Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/71

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ancienne place, penchai la tête de ma sœur sur mon épaule, et restai ainsi en silence, cherchant à dévorer les larmes qui se pressaient sur mes paupières. Pendant que je m’asseyais, Lucie avait disparu, et la porte s’était refermée.

Je ne sais combien de temps je restai dans cette attitude ; la vie était comme suspendue en moi, et j’étais absorbé dans une seule et douloureuse pensée. Enfin Grace, par un effort pénible, se souleva doucement, et jeta sur moi un regard où se peignait une tendre inquiétude pour moi bien plus que pour elle.

— Mon frère, dit-elle avec fermeté, il faut nous soumettre à la volonté de Dieu. Je suis mal, très-mal ; — je suis brisée ; je sens que je m’affaiblis d’heure en heure. À quoi bon chercher à nous faire illusion ?

Elle semblait attendre une réponse ; mais il se fût agi de ma vie, que je n’aurais pu prononcer une parole. Il y avait quelque chose de tristement solennel dans ce silence prolongé.

— Je vous ai prié de venir, mon cher Miles, ajouta ma sœur, non pas que je croie que le temps presse ; Dieu m’épargnera encore quelque temps, j’en ai la douce confiance, pour adoucir le coup à ceux qui m’aiment ; mais enfin nous devons nous tenir prêts, et il est un sujet, sujet qui me touche le plus au cœur, dont il me tarde de vous parler, pendant qu’il me reste encore un peu de force et de courage. Promettez-moi, mon bon frère, d’être calme, et de m’écouter avec patience.

— Parlez, chère Grace, parlez avec l’abandon et la confiance de nos premières années. Ah ! cet heureux temps ne doit-il donc jamais revenir ?

— Du courage, mon ami ! Dieu ne vous abandonnera pas, si vous lui restez fidèle ; il me soutient, il me console, et ses anges me convient à la félicité céleste. Sans vous et sans Lucie, sans mon excellent tuteur, l’heure du départ serait pour moi un instant de bonheur suprême. Mais ne parlons point de cela à présent. Ce sont mes derniers désirs que je vais vous exprimer ; du calme, Miles, de l’indulgence, quand même ils vous paraîtraient déraisonnables dans le premier moment.

— Vous savez, Grace, que vos désirs seront des ordres pour moi ; n’hésitez pas à me les faire connaître.

— Eh bien donc, pour la dernière fois, occupons-nous des in-