Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/83

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que le cœur ne se mettait pas en harmonie parfaite avec les paroles qu’elle répétait.

À peine la voix de Lucie avait-elle cessé de se faire entendre, que je passai au milieu des négresses encore agenouillées, et j’entrai dans la chambre de ma sœur. Grace était appuyée sur une chaise longue, les yeux fermés, les mains jointes, mais à genoux, et absorbée dans une pieuse méditation. Elle ne m’entendit pas, et je restai un instant debout auprès d’elle, ne sachant si je devais l’avertir de ma présence. Dans ce moment, je surpris le regard de Lucie, qui semblait vouloir me parler. L’appartement de Grace se composait de trois ou quatre petites pièces qui communiquaient entre elles. Lucie passa dans celle qui lui servait en quelque sorte de boudoir, quoique ce nom fût encore inconnu aux États-Unis ; et, sur un signe qu’elle m’avait, fait, je m’empressai de la suivre.

— Mon père est-il ici ? demanda Lucie ; et cette question me surprit ; car elle devait savoir qu’il comptait rester au presbytère, pour se tenir prêt à réciter l’office du soir.

— Non ; vous savez qu’il doit retourner à l’église.

— Je l’ai envoyé chercher, Miles ; et elle ajouta en me serrant la main avec la tendresse d’une mère pour un enfant chéri : — Mon bon Miles, c’est le moment de rassembler tout votre courage !

— Ma sœur est-elle plus mal ? demandai-je d’une voix étouffée ; car, tout préparé que j’étais à un dénouement fatal, je ne pouvais croire qu’il fût encore si prochain.

— Plus mal, Miles ? c’est ce que nous ne devons pas dire quand nous la voyons si admirablement disposée à paraître devant son Dieu. Mais je ne veux rien vous cacher. Il n’y a pas une heure que Grace m’a dit que le moment approchait. Elle se sent mourir par degrés, et son courage et sa résignation sont admirables. Elle n’a pas voulu que je vous fisse prévenir, disant que vous arriveriez toujours à temps. Mais j’ai envoyé chercher mon père, et il ne peut tarder à arriver.

— Bon Dieu ! est-ce que vous pensez vraiment, Lucie, que le danger soit imminent ?

— Puisque c’est la volonté de Dieu de nous reprendre, Miles, je ne puis qu’admirer que sa fin soit si douce, et, à tous égards, si paisible.

Tant que la mémoire ne m’aura pas complètement abandonné,