Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/109

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— Vos consciences ne vous le disent-elles pas ? N’y a-t-il pas quelque mésintelligence, peut-être une querelle, certainement un refroidissement entre vous ? L’œil d’une mère est prompt et jaloux, et j’ai vu depuis quelque temps que vous n’avez plus votre ancienne confiance et les manières franches qui vous étaient habituelles, et qui nous donnaient, à votre père et à moi, un si véritable bonheur. Parlez, et laissez-moi rétablir la paix entre vous.

Robert Willoughby n’aurait pas regardé la jeune fille en ce moment, quand on lui aurait donné un régiment. Pour Maud, elle était absolument incapable de détourner les yeux du plancher. Bob rougit jusqu’aux tempes, ce qui fit croire à sa mère que c’était une preuve du trouble de sa conscience. Pendant ce temps, le visage de Maud était devenu pâle comme ivoire.

— Si vous croyez, Robert, continua mistress Willoughby, que Maud vous a oublié pendant votre absence, ou qu’elle se montre fâchée pour une petite mésintelligence passée, vous êtes injuste envers elle. Personne ne vous a si bien gardé dans son souvenir. Cette belle écharpe est son ouvrage, et elle en a acheté les soies de son propre argent. Maud vous aime réellement ; car malgré les airs qu’elle se donne quand vous êtes ensemble, lorsque vous n’êtes pas ici, aucun de nous ne désire plus sincèrement votre bonheur que cette opiniâtre et capricieuse fille.

— Ma mère, ma mère, murmura Maud en cachant son visage dans ses deux mains.

Mistress Willoughby était femme dans tous ses sentiments et dans toutes ses habitudes. Personne, dans les circonstances ordinaires, ne possédait mieux la sensibilité de son sexe, mais elle agissait et pensait actuellement comme une mère, et il y avait si longtemps qu’elle regardait les deux enfants qui étaient devant elle sous ce point de vue commun et sacré, qu’il lui eût semblé qu’elle commençait une nouvelle existence s’il eût fallu cesser de les considérer comme n’étant pas issus du même sang.

— Je ne veux ni ne puis vous traiter l’un ou l’autre comme des enfants, continua-t-elle, et il faut en appeler à votre propre bon sens pour faire la paix. Je sais qu’il ne peut y avoir rien de sérieux dans votre querelle, mais il est pénible pour moi de voir une froideur, même affectée, au milieu de mes enfants. Pensez, Maud, que nous sommes sur le point d’avoir une guerre, et combien vous auriez d’amers regrets si un accident arrivait à votre