Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/14

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couvrait encore les bois ; mais les bourgeons commençaient à poindre et à étaler les riches promesses du printemps.

La première mesure des aventuriers fut de construire des cabanes. Au centre de l’étang, qui, ainsi qu’il a été dit, couvrait quatre cents acres, était une île de cinq ou six acres d’étendue. C’était une colline rocheuse, qui s’élevait à quarante pieds au-dessus de la surface de l’eau ; elle était encore couronnée de sapins qui avaient échappé aux ravages du castor. Dans l’étang lui-même, il ne restait qu’un petit nombre de souches, l’eau ayant peu à peu fait périr ou tomber les arbres. Cette circonstance prouvait que le cours d’eau avait été depuis longtemps endigué par les castors, plusieurs générations successives de ces animaux y ayant renouvelé leurs travaux pendant des siècles. Cependant la digue qui existait alors n’était pas très-vieille, les castors ne s’étant retirés que très-récemment devant leur grand ennemi, l’homme.

Ce fut dans cette île que le capitaine Willoughby transporta toutes ses provisions, et qu’il bâtit une hutte, contre l’avis toutefois des bûcherons, qui prétendaient qu’il valait mieux s’établir sur la terre ferme. Mais le capitaine et le sergent, après un conseil de guerre tenu entre eux deux, décidèrent que la colline formait une portion militaire qui pouvait être facilement défendue contre les hommes ou les animaux. Pourtant un autre établissement fut élevé sur le rivage pour servir de retraite aux hommes qui le préféreraient.

Après ces précautions préliminaires, le capitaine projeta un coup hardi pour triompher du désert : il ne s’agissait de rien moins que de dessécher l’étang, et d’en enlever d’un coup de main tous les troncs d’arbres, afin d’y établir une ferme. C’était obtenir en une seule saison les résultats de plusieurs années de travaux, et chacun reconnut l’utilité de l’entreprise, pourvu qu’elle fût exécutable. On s’assura bientôt qu’elle l’était. Le cours d’eau qui traversait la vallée était loin d’être rapide, jusqu’à ce qu’il atteignît une passe où les collines se rapprochaient l’une de l’autre en bas promontoires ; à cet endroit, la terre déclinait sensiblement jusqu’à une terrasse inférieure. C’était à travers cette gorge ou ce défilé, large d’environ cinq cents pieds, que les castors avaient établi leurs digues, aidés en cela par la position de quelques rochers qui s’élevaient à fleur d’eau, et à travers lesquels la petite rivière trouvait son passage. La partie qu’on pouvait appeler la clef de la