Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vous avouerai que je crois qu’ils ont quitté la vallée ; Dieu seul sait quand ils reviendront. Quant à la vache, c’est moi qui l’ai traite, car c’est celle que le capitaine a donnée à Phœbé pour sa petite laiterie. J’ai pensé que cela pourrait faire souffrir la pauvre bête d’attendre si longtemps. Le seau est près de là à côté des palissades, et les femmes et les enfants seront contents de le voir demain matin.

Ce trait caractérisait Joël Strides. Il n’avait pas hésité à désobéir aux ordres du capitale et risquer sa vie pour mettre son argent en sûreté mais, puisqu’il sortait, il avait eu la prévoyance d’emporter un seau, afin de pourvoir aux besoins de ceux qui étaient en dedans des palissades, et qui étaient trop accoutumés à ce genre d’aliment pour n’en pas sentir la privation. Si nous ajoutons que, dans cette attention prudente aux besoins de ses compagnons, Joël avait eu en vue le désir de se populariser, et que justement pour cette raison il avait choisi sa propre vache, le lecteur devinera certainement le caractère de l’homme qui est devant lui.

— En ce cas, répondit le capitaine, me voilà déjà rassuré en découvrant que les sauvages n’ont pas trait cette vache. Reprenez le seau et rentrez, Joël. Aussitôt que le jour paraîtra je vous recommande de ramener les vaches en dedans de la fortification et de les faire toutes traire ; elles paissent justement près des palissades, et viendront promptement à votre appel. — Allez, mais ne dites pas que vous m’avez rencontré en compagnie de…

— De qui parle le capitaine ? demanda Joël avec curiosité, remarquant que l’autre s’était arrêté.

— Ne dites pas que vous nous avez rencontrés, voilà tout. Il est très-important que mes mouvements soient tenus secrets.

Le capitaine et son fils continuèrent alors leur route, avec l’intention de passer devant les cabanes, qui bordaient cette partie de la vallée, et suivirent un sentier qui devait les conduire à la grande route allant de la Hutte au moulin. Le capitaine marchait devant, tandis que son fils se tenait en arrière à une distance de deux ou trois pas. Tous deux s’avançaient lentement et avec précaution, portant au bras leurs carabines, toutes prêtes à leur servir s’il était nécessaire. Ils avaient parcouru de la sorte une petite distance, quand Robert sentit qu’on lui touchait le coude et vit le visage de Joël à quelques pouces du sien ; car l’inspecteur essayait de le reconnaître sous son chapeau à larges bords. Cette