Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/208

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les repasser ; j’étais un enfant impatient, même à cet âge si tendre, de voir un combat et, j’étais à leur côté. Votre père tomba un des premiers, mais Joyce et notre père écartèrent les Indiens de son corps et le sauvèrent de la mutilation. Votre mère fut enterrée dans le même tombeau, et alors vous fûtes l’élue ici où vous êtes toujours restée depuis.

Les larmes de Maud coulaient abondamment, et cependant ce n’était pas tant de chagrin que par un sentiment de tendresse dont elle pouvait à peine se rendre compte. Robert comprit ses émotions, et s’aperçut qu’il pouvait poursuivre.

— J’étais assez âgé pour me souvenir très-bien de vos parents ; j’étais leur favori, je crois. Je me souviens de votre naissance, Maud, et on me laissait vous porter dans mes bras, que vous aviez à peine une semaine.

— Alors vous avez su dès le commencement qu’on me donnait un nom qui n’était pas le mien ?

— J’ai su que vous étiez la fille de Lewelleh Meredith, certainement, et non réellement pas celle de Hugh Willoughby.

— Bob ! s’écria Maud, tandis que son cœur battait avec violence et qu’un flot de sentiments surgissaient en elle. La crainte de découvrir son secret, qui venait se mêler à ses émotions involontaires, la priva pour le moment de l’usage de ses sens.

Il n’est pas facile de dire ce qui aurait suivi cette explication, si un cri parti de la pelouse n’était venu avertir le major que sa présence était nécessaire, en bas. Après avoir rassuré Maud par quelques mots, il éteignit la lampe, dont la lumière aurait pu exposer la jeune fille à être atteinte d’un coup de fusil puis il se dirigea vers les escaliers, et fut à son poste en une minute. Ce n’était pas trop tôt, l’alarme était générale, et l’on s’attendait à un assaut instantané.

La situation de Robert Willoughby offrait peu d’intérêt à un soldat. Ignorant ce qui se passait sur le devant, il ne voyait derrière aucun ennemi, et il était condamné à l’inaction quand par son expérience, son âge et son titre de fils de maître de la place, il aurait dû être en face de l’ennemi. Il est probable qu’il aurait oublié la promesse de se tenir enfermé, si Maud n’avait pas paru dans la bibliothèque et ne l’avait supplié de rester caché jusqu’à ce qu’il eût acquis la certitude que sa présence était nécessaire de l’autre côté.