Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/303

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le roc, ils se dirigèrent avec précaution vers le côté est, en ayant soin de ne pas aller plus loin que le couvert, puis ils s’arrêtèrent et regardèrent attentivement la scène qui s’étendait devant eux, à travers les ouvertures pratiquées dans les broussailles.

À l’étonnement du capitaine, il se trouva à une demi-portée de mousquet des ennemis. Un bivouac régulier avait été formé autour de la source au centre de la clairière, et l’on avait renversé des arbres pour former une espèce de grossier retranchement. En un mot, on avait fait un de ces campements qui sont si difficiles à emporter sans artillerie surtout quand ils sont bien défendus. Placés comme l’étaient les Indiens, un assaut aurait exposé les assaillants, et la source apportait à la garnison de l’eau en abondance.

Il y avait dans cet arrangement un ordre et une méthode qui surprirent nos deux vieux soldats. Que les Indiens eussent eu d’eux-mêmes recours à cet expédient, ni l’un ni l’autre ne le croyait ; les blancs de la Mohawk, peu soigneux, ignorants et inexpérimentés, n’auraient pas non plus adopté ce système de défense sans les conseils d’une personne instruite des usages habituels des guerres de frontières. Il est vrai que de tels individus n’étaient pas difficiles à trouver, et c’était une preuve que des gens prétendant, à tort ou à raison, exercer une certaine autorité, étaient présents.

Il y avait quelque chose de singulier et d’imprévu dans la manière dont étaient organisés les étrangers à ce moment où, en apparence, ils ne faisaient rien, et ne se préparaient pour aucun service. Joyce, qui était un homme méthodique et accoutumé à évaluer la force des troupes, ne compta pas moins de quarante-neuf de ces aventuriers, dont le plus grand nombre étaient placés près du retranchement ; les autres se promenaient en causant autour de la clairière, et sans paraître avoir de dessein bien arrêté.

— C’est la plus extraordinaire expédition militaire que j’aie jamais vue, murmura Joyce après qu’ils eurent examiné la position en silence pendant une minute. J’avoue que cet ouvrage n’est pas mal fait, et ils pourraient soutenir un assaut ; mais ils n’ont pas de corps de garde, pas seulement une sentinelle. C’est un affront pour la tactique, capitaine Willoughby, et un tel affront, que nous emporterons le poste par surprise si tous se trouvent aussi offensés que moi.