Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/324

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milieu de ses craintes, n’avait jamais songé à une calamité comme celle-là. Mistress Willoughby elle-même, malgré sa sensibilité, qui enveloppait tous ceux qu’elle aimait, était accoutumée depuis si longtemps à voir son mari s’exposer avec impunité, qu’elle commençait à croire que sa vie était protégée par un charme. Maud sentait qu’en ce moment elle ne pourrait dire la vérité à sa mère. Tant qu’elle eut une ombre de doute sur la mort de son père, il lui sembla cruel d’annoncer cette triste nouvelle. Elle se décida à envoyer chercher Beulah par une des négresses.

Lorsqu’ils sentent qu’ils peuvent soutenir les autres par leur courage, les êtres les plus faibles possèdent une fermeté qui leur est étrangère dans d’autres circonstances. Maud, malgré la délicatesse de sa constitution et sa frêle apparence, était une jeune femme capable des efforts les plus hardis. La vie de frontières avait élevé son esprit au-dessus des faiblesses ordinaires de son sexe, et peu d’hommes eussent eu plus de détermination quand les circonstances l’exigeaient. Son plan maintenant était d’aller à la rencontre du corps de son père, et un ordre de sa mère aurait pu seul l’arrêter. Notre héroïne était dans cette disposition d’esprit quand Beulah parut.

— Maud, s’écria la jeune femme, qu’est-il arrivé ? Pourquoi es-tu si pâle ? Pourquoi m’envoies-tu chercher ? Nick nous apporte-t-il quelques nouvelles du moulin ?

— De mauvaises nouvelles, Beulah. Mon père, mon cher père est blessé. Ils l’ont porté jusqu’au bord du bois où ils se sont arrêtés, afin de ne pas trop nous surprendre. Je vais aller à leur rencontre et le faire amener ici. Prépare notre mère à ce triste événement. Oui, Beulah, le plus triste des événements !

— Oh ! Maud, c’est horrible ! s’écria sa sœur en tombant sur une chaise. Que deviendrons-nous ?

— La Providence qui règle le ciel et la terre aura soin de nous. Embrasse-moi, chère sœur. Comme tu as froid ! Ranime-toi, Beulah, pour l’amour de notre mère. Pense qu’elle sera encore plus triste que nous, si c’est possible, et prends un peu de résolution.

— C’est vrai, Maud. Personne ne peut souffrir plus qu’une épouse, à moins que ce ne soit une mère.

Après ces paroles, Beulah s’évanouit.

— Vous voyez, briseuse, dit Maud en montrant sa sœur avec