Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/346

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comme elles étaient à l’épreuve des balles, l’arrière du bâtiment se trouvait imprenable. Quand tout ceci fut fait et les portes bien fermées, la place se trouva comme un vaisseau pendant un vent frais et sous de courtes voiles ; l’ennemi, en dedans des palissades, ne pouvait rien faire, et selon toute apparence il n’essaierait pas de mettre le feu à des murs de pierre. Mais il y avait plus de danger pour les toits, qu’on pouvait incendier avec des flèches ; on y monta de l’eau pour s’en servir au besoin.

Tous ces préparatifs occupèrent quelque temps, et il était tout à fait nuit quand ils furent terminés. Willoughby put alors réfléchir un moment, le feu ayant entièrement cessé et rien ne restant plus à faire.

— Nous sommes sauvés pour l’instant, Joyce, dit le major au sergent qui se trouvait avec lui dans la galerie et après avoir délibéré sur le présent état de choses. J’ai encore un devoir solennel à remplir. Ma chère mère… et le corps de mon père !

— Oui, Monsieur. Je ne vous aurais pas parlé de cela tant qu’il aurait plu à Votre Honneur de garder le silence à ce sujet. Mistress Willoughby a été douloureusement atteinte, comme vous pouvez bien vous l’imaginer. Pour mon vieux et brave commandant, il est mort en soldat, sous le harnois.

— Où avez-vous mis le corps ? Ma mère l’a-t-elle vu ?

— Dieu vous bénisse, Monsieur, mistress Willoughby l’a fait porter dans sa propre chambre, et là, elle et miss Beulah (on appelait toujours ainsi l’épouse d’Evert Beekman), elle et miss Beulah sont agenouillées, elles prient et pleurent, car les femmes ne peuvent se contraindre, vous le savez. Dieu les bénisse. Nous aussi nous prions.

— Très-bien, Joyce ; tout soldat doit une larme à son chef. Dieu seul peut savoir ce qui arrivera cette nuit, et je ne retrouverai peut-être plus un moment aussi propice pour remplir ce triste devoir.

— Oui, Votre Honneur. Joyce s’imaginait que le major devait avoir hérité de cette qualification. — Oui, les commandements que le révérend M. Woods nous lit tous les dimanches nous disent cela ; et c’est le devoir d’un chrétien d’observer les commandements, comme celui d’un soldat d’obéir aux ordres de son chef. Dieu vous bénisse, et vous conduise sain et sauf. J’ai parlé de ça avec miss Maud, et je sais ce qu’il en est. C’est déjà assez