Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/61

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— L’affaire est bien différente aujourd’hui, Monsieur. Le sang a coulé non pas dans une émeute, mais dans une bataille.

— Une bataille ! Tu m’étonnes, major ! cela peut conduire à de graves conséquences.

— Que le Seigneur nous préserve des mauvais jours, s’écria le chapelain, et nous conduise, pauvres créatures que nous sommes, dans le sentier de la paix et du repos ! Sans sa grâce, nous ne sommes que des aveugles conduisant des aveugles !

— Veux-tu dire, major, que des corps armés et disciplinés se sont rencontrés sur un champ de bataille ?

— Peut-être pas littéralement, mon cher père ; mais les volontaires de Massachusetts se sont rencontrés avec les forces de Sa Majesté. Je dois le savoir parfaitement bien, car mon régiment a combattu. Je crois inutile d’ajouter que son second officier n’était pas absent.

— Bien entendu que ces volontaires n’ont pas pu tenir devant vous, dit le capitaine en serrant les lèvres sous l’impulsion de son orgueil militaire.

Le major Willoughby rougit, et il eût volontiers souhaité que le révérend père Woods fût, sinon au diable, au moins assez loin pour ne pas entendre sa réponse.

— Monsieur, dit-il en balbutiant, pour dire la vérité, ces volontaires ne sont pas des adversaires autant à dédaigner que vous autres soldats pourriez le croire. L’affaire fut un peu chaude, parce qu’ils combattaient derrière un mur, et dans ce cas, vous savez, Monsieur, que la discipline des troupes perd de son avantage. Ils nous contraignirent assez vivement à la retraite. — À la retraite, major Willoughby !

— J’ai dit la retraite, c’est vrai mais ce n’était qu’une marche en arrière, après que nous eûmes accompli ce qui nous avait été ordonné. Cependant j’avoue, Monsieur, qu’ils nous pressèrent vivement jusqu’à ce que nous eussions reçu des renforts.

— Des renforts, mon cher Robert ! Ton régiment, notre régiment n’aurait pas eu besoin de renfort contre tous les Yankees de la Nouvelle-Angleterre.

Le major ne put s’empêcher de sourire à cette fierté que par esprit de corps déployait le capitaine mais sa franchise naturelle et l’amour de la vérité le forcèrent d’avouer le contraire.

— Et cependant, pour être vrai, il en eut besoin, répondit-il, et