Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/83

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toutes les autres. Le capitaine avait apporté avec lui dans les colonies l’amour des fêtes, qui était beaucoup plus ordinaire dans l’ancien monde que dans le nouveau ; et il arrivait assez souvent qu’il convoquait tous ses gens pour célébrer un jour de naissance ou l’anniversaire de quelque bataille où il avait été parmi les vainqueurs. Quand il parut sur la pelouse, dans l’occasion présente, on s’attendait à l’entendre annoncer quelque chose de semblable.

Les habitants du manoir, ou de la hutte sur la colline, pouvaient être divisés moralement et physiquement en trois grandes catégories ou races : les Anglo-Saxons, les Hollandais hauts et bas, et les Africains. Les premiers étaient les plus nombreux, car ils comprenaient les familles des meuniers, des mécaniciens et celle de Joël Strides, l’inspecteur ; les seconds étaient les laboureurs, et les derniers se composaient exclusivement des domestiques de la maison, à l’exception d’un des Plines qui était laboureur, quoiqu’on lui permît de vivre avec ses parents dans la hutte. Maud, dans un de ces moments de bonne humeur, avait surnommé ces divisions les trois tribus, et son père, pour rendre l’énumération complète, avait classé le sergent, Mike et Jamie Allen comme e surnuméraires.

Les trois tribus et les trois surnuméraires étaient rassemblés sur la pelouse, lorsque le capitaine et sa famille approchèrent. Par une sorte de secret instinct, ils s’étaient d’eux-mêmes divisés en groupes : les Hollandais, un peu éloignés des Yankees, et les noirs restant en arrière comme ils sentaient que cela convenait à des gens de leur couleur et à des esclaves. Mike et Jamie avaient pris une sorte de position neutre entre les deux grandes divisions des blancs, comme s’ils eussent été également indifférents à leurs dissensions et à leurs antipathies. Tout le monde ainsi posé attendait impatiemment l’annonce qui avait été si longtemps différée. Le capitaine s’avança et ôtant son chapeau, cérémonie qu’il observait toujours dans de semblables occasions et qui était imitée par ses auditeurs, il s’adressa à la foule :

— Quand des hommes vivent ensemble dans une solitude comme celle-ci, dit-il en commençant, il ne doit pas y avoir de secrets entre eux, mes amis, surtout dans ce qui touche les intérêts communs. Nous vivons dans une région éloignée, une sorte de colonie à nous, et nous devons agir honnêtement et franchement les uns à