Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/104

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M. Worden joua le principal rôle. Un sleigh qui suivait la même direction que nous, voyant à pied sur la glace un voyageur dont le costume annonçait un ministre de l’église, se détourna du chemin et se lança au galop sur ses traces, les personnes qui le montaient voulant lui offrir une place à côté d’elles. Au bruit des clochettes, notre révérend, effrayé d’un si dangereux voisinage, prit ses jambes à son cou, suivi par le sleigh de toute la vitesse des chevaux excités par le fouet. Tout le monde s’arrêta pour contempler ce spectacle étrange, jusqu’à ce que le pauvre M. Worden, complètement hors d’haleine, eût enfin réussi à atteindre l’autre bord.


CHAPITRE XI.


Commencez par empêcher le sang de circuler dans nos veines ; alors, mylord, vous pourrez songer à faire entendre raison à l’amour.
Young



Nous arrivâmes au rivage en même temps que le traîneau de chasse, qui avait été obligé de faire un détour pour éviter de gros glaçons. On se figurerait difficilement la stupéfaction de M. Worden ; et ceux qui par pure obligeance s’étaient mis à sa poursuite n’étaient guère moins ébahis. C’étaient deux jeunes gens de bonne mine, qui parlaient anglais avec un léger accent hollandais, et trois jeunes dames aux yeux noirs sur le visage desquelles, à l’expression générale de surprise, se mêlait une certaine envie de rire. Voyant que nous étions étrangers, et que le fugitif était de notre société, un des jeunes gens ôta respectueusement son bonnet de fourrure, et, du ton le plus poli :

— Qu’a donc le révérend père, nous demanda-t-il, pour courir si vite.

— Ce que j’ai ? s’écria M. Worden, qui soufflait encore comme un bœuf, j’ai que je ne me soucie pas d’être noyé !