Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera bientôt un homme. — y comprenez-vous quelque chose, Corny ?

— Je comprends, Dirck, que je suis un sot, un grand enfant, et je voudrais n’avoir jamais mis le pied dans Albany. — Mais grand Dieu ! qu’est-ce que je vois ?

Dirck poussa une de ces exclamations hollandaises qu’il eût fait retentir dans le palais d’un roi, et toute sa figure s’illumina d’un sourire sympathique. Je venais d’apercevoir un traîneau qui venait droit à nous. Il était occupé par Jason tout seul qui semblait prendre un plaisir infini à ce divertissement. Il franchissait l’espace, le chapeau renversé en arrière, l’habit vert pomme exposé aux regards, les bas chinés et les grosses boucles d’argent se montrant à gauche et à droite du traîneau, et il déployait dans cet exercice toute l’adresse d’un gamin des rues qui en fait son état.

— Ce doit être bien amusant, Corny ! dit mon compagnon qui pouvait à peine rester en place. J’ai presque envie d’emprunter un traîneau et de descendre à mon tour.

— Oui, faites-le, Dirck, si vous voulez ne revoir miss Mordaunt de votre vie. Retenez cela de moi, mon ami, qu’elle n’aime pas à voir des hommes s’amuser comme des enfants.

Dirck ouvrit de grands yeux ; mais comme il était taciturne par nature, il ne dit rien, et nous rentrâmes. M. Worden était à relire un ancien sermon qu’il devait débiter le dimanche suivant. Dès qu’il nous vit, il vint à nous : il était dans le ravissement. Peu lui importaient les Hollandais : il en avait vu à peine, et il avait pour eux le dédain d’un habitant de la métropole ; mais il avait lié connaissance avec tant d’officiers anglais, il avait reçu tant d’invitations, que sa campagne promettait d’être des plus agréables. Il applaudit à mon heureux début dans les affaires, promit d’instruire mes parents du zèle et de l’activité que j’avais déployés ; en un mot, notre mentor, très-content de lui-même, était tout disposé à l’être aussi des autres.

À l’heure dite, Guert vint nous prendre, toujours franc, toujours poli, toujours de bonne humeur. M. Worden lui plut infiniment.

— Vous saurez, messieurs, que la société dans laquelle je vais