Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/121

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avoir l’honneur de vous introduire, est composée des jeunes gens les plus aimables d’Albany, sinon de la colonie tout entière. Nous nous réunissons une fois par mois dans la maison d’un vieux garçon, qui est des nôtres, et qui sera charmé, monsieur Worden, de causer religion avec vous. M. Van Brunt est très-expert en matière de religion ; et toutes les fois qu’il y a quelque discussion ou quelque pari sur ce chapitre, c’est lui qui prononce en dernier ressort.

Il y avait là de quoi donner à penser ; mais M. Worden n’était pas homme à se laisser effrayer aisément quand il s’agissait d’un bon souper. Il eût toléré même une discussion religieuse, avec un pareil dénouement en perspective. Il partit bras dessus bras dessous avec Guert, et nous fûmes bientôt à la porte de M. Van Brunt, que j’avais surnommé le bachelier en théologie. Guert entra sans frapper.

Le club se composait de douze membres, compris Guert ; il était au grand complet. Du premier coup d’œil, je reconnus qu’il n’y avait là personne qui se fût fait scrupule de dégringoler la côte ; et avec de pareils gaillards, j’augurai que la nuit serait bonne. Je connaissais les Hollandais ; tout sobres, tout paisibles, tout flegmatiques qu’ils paraissaient ordinairement, c’étaient d’assez grands tapageurs, dès qu’une fois ils étaient en train. Je sais bon nombre d’histoires à leur sujet, et j’avais entendu dire plus d’une fois que les jeunes Albaniens se signalaient tout particulièrement. Toutefois l’accueil qui nous fut fait fut des plus convenables ; on parut charmé qu’un ministre de l’église fût de la partie. Le mot de « révérend » passa de bouche en bouche, et il était facile de voir l’effet qu’il produisait. On se promettait évidemment d’être bien sages et d’une sobriété exemplaire. Celui qu’on semblait toujours consulter du regard, c’était Van Brunt, personnage de quarante-cinq ans, aux épaules carrées, à la face rubiconde, aux manières assez libres, qui fréquentait de préférence la société des jeunes gens, parce qu’il était resté jeune de goûts et de caractère.

— Ne trouvez-vous pas, messieurs, dit M. Van Brunt, que rien n’altère comme de rester debout à se regarder le blanc des