Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/181

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mulaient de plus en plus, et que nous eûmes discuté les chances de salut qui pouvaient se présenter. Retournez auprès des dames, Corny, et cherchez à entretenir leur courage, pendant que je traverserai ce canal qui est à notre droite pour gagner l’île voisine, et voir ce qui se passe dans cette direction.

— Je n’aime pas à vous laisser partir seul, mon ami. À deux on peut surmonter tel obstacle qui pour un seul peut devenir fatal.

— Venez avec moi, si vous voulez, jusqu’à l’île prochaine, où nous pourrons juger si c’est de l’eau ou de la glace qui nous sépare de la rive orientale. Dans ce dernier cas, vous reviendrez le plus vite possible prendre nos pauvres compagnes, pendant que je chercherai un endroit favorable pour traverser. Je n’aime pas l’aspect de cette digue, pour ne vous rien cacher ; et j’ai grand’peur pour celles qui sont à présent dans le sleigh.

Nous allions nous éloigner quand un horrible craquement, plus fort que tous les autres, retentit à quelques pas de nous ; saisis d’effroi, nous courûmes à l’endroit où il s’était fait entendre, et nous vîmes qu’un grand saule venait de se briser en deux comme un roseau, et que toute la barrière de glace s’avançait par un mouvement lent mais sensible sur la place même qu’il couvrait l’instant auparavant, écrasant ses branches sous son passage, comme la roue d’une charrette écrase l’herbe des champs. Guert me saisit le bras, et ses doigts crispés entrèrent presque dans ma chair, sous son étreinte de fer.

— Il faut partir, dit-il d’une voix ferme, partir à l’instant même. Retournons au sleigh.

Je ne savais pas quel était le projet de Guert ; mais je compris qu’il était urgent d’agir avec énergie. Nous courûmes rapidement au point d’où nous étions partis ; mais qu’on se figure l’horreur dont nous fûmes saisis en ne retrouvant point le traîneau. Toute la pointe basse de l’île où nous l’avions laissé était déjà couverte de glaçons mouvants, qui l’avaient sans doute emporté pendant les quelques minutes qu’avait duré notre absence. Je jetai un regard effaré tout autour de moi, et croyant apercevoir à quelque distance plus bas sur la rivière un objet qui semblait être le sleigh, j’allais me précipiter de ce côté, lorsqu’un cri