Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/185

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chevaux effrayés se précipitaient partout où les poussait la terreur. Au moment où le sleigh passa devant nous, il était renversé ; une nouvelle secousse le remit debout, et il disparut bientôt, pendant que le son des clochettes et le piétinement des chevaux se perdaient dans l’horrible fracas qui ébranlait tout l’horizon.

Dans cet instant un cri prolongé, poussé évidemment par une voix humaine, se fit entendre dans le lointain. Il me sembla qu’on m’appelait par mon nom, et Anneke crut l’entendre également. Cet appel, si c’en était un, venait du midi, et de la rive occidentale. L’instant d’après, des sons plus effrayants que jamais partaient de la barrière de glace qui s’était formée au-dessus de nous. Passant un bras autour de la taille délicate de ma compagne chérie pour la soutenir, je me mis à marcher rapidement dans la direction de la voix. En essayant de gagner la rive occidentale, j’avais remarqué un monticule de glace qui flottait, ou plutôt qui était poussé sur la surface lisse de la rivière gelée, précédant des glaçons de moindre dimension qui étaient entraînés par le courant. Ces glaçons flottants venaient s’ajouter incessamment à ce monticule qui croissait à vue d’œil, et qui menaçait de former une nouvelle digue dès que, parvenu à une dimension suffisante, il rencontrerait une passe plus étroite. Il me sembla que si nous pouvions gravir ce monticule, déjà suffisamment élevé pour être à l’abri de l’invasion des eaux, nous y trouverions un abri temporaire. J’y courus aussitôt, portant presque Anneke dans mes bras, avec d’autant plus d’empressement que des bruits effrayants venaient à nous, partant de la barrière qui jusqu’à présent avait protégé la tête de l’île.

Arrivés au monticule, nous pûmes gravir les premiers glaçons qui formaient comme autant de rudes échelons, quoique ce ne fût qu’avec de grands efforts ; mais bientôt les aspérités devinrent telles qu’il me fallut monter le premier, et tirer Anneke après moi. Je continuai, tant que mes forces purent résister ; mais enfin la fatigue l’emporta, et nous dûmes nous asseoir sur le bord d’un glaçon, afin de reprendre haleine. Pendant que j’étais là, de nouveaux sons partant de la rivière vinrent frapper mes oreilles ; je me penchai en avant, et je vis que les eaux avaient