Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/186

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forcé la barrière, et qu’elles arrivaient sur nous avec l’impétuosité d’un torrent.


CHAPITRE XVII.


Mon cœur bondit de joie quand je vois un arc-en-ciel dans le firmament ; il en était ainsi quand j’étais petit enfant, il en sera de même quand je serai vieillard, ou j’aimerais mieux mourir ! L’enfant est le père de l’homme fait, et je voudrais que mes jours s’enchaînassent l’un à l’autre, purs et limpides, comme à leur aurore.
Wordsworth



Si nous étions restés cinq minutes de plus sur le lit principal de la rivière, c’en était fait de nous. Pendant qu’assis nous regardions la force effrayante du courant autant que le permettait la faible lueur de cette sombre nuit, je vis le sleigh de Guert Ten Eyck passer en tourbillonnant devant nous ; celui d’Herman Mordaunt suivit, les pauvres bêtes s’épuisant en efforts inutiles pour secouer leur harnais et recouvrer leur liberté, afin de pouvoir se sauver à la nage ; haletantes, elles étaient presque ensevelies dans le courant, où les yeux d’Anneke ne pouvaient les découvrir, quoiqu’elle entendît leur respiration pénible ; elle n’avait pas reconnu davantage le sleigh de son père. Un instant après, un de ces cris perçants, que le cheval à l’agonie fait entendre souvent, retentit douloureusement jusqu’à moi. Je n’en parlai pas à la pauvre fille, sachant bien que son amour pour son père était le grand mobile qui l’excitait à des efforts surnaturels, et ne voulant pas réveiller des alarmes qui, pour le moment, étaient assoupies.

Deux ou trois minutes de repos étaient tout ce que les circonstances nous permettaient de prendre. Il était évident qu’alors tout était en mouvement sur la rivière, le monticule de glace sur lequel nous étions assis, aussi bien que les glaçons détachés qui,