Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/188

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Anneke déclara qu’elle était prête à se remettre en chemin, et je commençai l’opération difficile et délicate de l’aider à traverser une île composée de fragments de glace, afin d’en atteindre l’extrémité occidentale. Nous étions élevés au moins à trente pieds en l’air, et une chute dans l’une des nombreuses cavités entre lesquelles il nous fallait passer, n’aurait pu manquer de nous être fatale. En même temps la surface de la glace était si glissante qu’il n’était pas facile de tenir pied, d’autant plus que les glaçons superposés offraient des pentes plus ou moins rapides. Heureusement je portais des moccasins de peau de daim par-dessus mes bottes ; et Anneke avait aussi des socques de bois ; autrement nous n’aurions jamais pu nous en tirer. Avec ce secours, et en employant les plus grandes précautions, nous étions parvenus à passer de l’autre côté, lorsque la masse flottante, saisie par un tourbillon qui se trouvait à l’endroit de la rivière où elle était arrivée, tourna lentement sur elle-même, et nous replaças l’extrémité opposée de l’île d’où nous venions de partir. À cette nouvelle contrariété, Anneke ne laissa pas échapper un murmure ; mais avec une douceur et une résignation vraiment évangéliques, elle dit qu’elle était prête à tenter un nouvel effort. Mais je ne voulus pas y consentir ; car le tourbillon nous faisait sentir encore son dangereux voisinage ; et je pensai qu’avant tout il fallait nous soustraire à sa funeste influence, pour ne pas épuiser inutilement nos forces. Au lieu donc de gravir une seconde fois la montagne de glace, je dis à ma chère compagne qu’il valait mieux descendre sur un glaçon qui était posé à plat sur la rivière, et qui s’étendait assez loin pour que, si une nouvelle impulsion nous était donnée dans la direction du rivage, nous dussions nous en trouver assez rapprochés. La descente fut difficile ; il me fallut plus d’une fois recevoir Anneke dans mes bras, mais enfin nous réussîmes, et je pus déposer mon précieux fardeau sur le plus bas et le plus uni des glaçons qui composaient notre montagne.

Ce changement de position avait quelques avantages. Nous nous trouvions abrités contre le vent, qui, sans être très-vif ni très-froid, était toujours un vent du mois de mars. Anneke aussi n’avait plus à craindre de tomber à chaque pas ; elle se trouvait sur une surface unie où elle pouvait marcher sans peine, et en-