Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/191

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Je dus attendre Anneke, qui était tombée à genoux, et qui y resta quelques minutes, puis je l’aidai à gravir la pente escarpée qui bordait l’Hudson de ce côté ; arrivés en haut, après avoir dû nous arrêter une ou deux fois pour reprendre haleine, nous pûmes seulement alors apprécier le caractère général de la scène dans laquelle nous avions failli jouer un rôle si lugubre. Malgré l’obscurité, nous pouvions découvrir de ce point élevé une assez grande portion de la rivière : l’Hudson offrait l’image du chaos en se précipitant entre ses rives ; c’était comme une forêt de glaçons, les uns passant solitaires, les autres entassés, accumulés à une hauteur prodigieuse. Mais une masse sombre et colossale s’avançait de loin sur le canal même où Anneke et moi nous nous trouvions il n’y avait pas encore une heure, et elle descendait le courant avec une effrayante rapidité ; c’était une maison, qui sans être d’une grande dimension, était pourtant assez vaste pour produire un effet singulier sur la rivière ; puis bientôt un pont suivit ; et ensuite un sloop qui avait été violemment arraché du quai d’Albany, vint figurer à son tour dans la foule immense de débris rassemblés sur cette grande artère de la colonie.

Mais il était tard ; il fallait songer à Anneke, et lui chercher un abri ; elle commençait à manifester son inquiétude pour son père et pour ses autres amis. Continuant à la soutenir sur mon bras, je cherchai à gagner la grande route que je savais être parallèle à la rivière ; je réussis à l’atteindre dans l’espace de dix minutes, et je me dirigeai alors vers Albany. Nous n’étions pas loin que j’entendis des voix d’hommes qui venaient de notre côté. Qu’on juge de ma joie en reconnaissant dans le nombre celle de Dirck Follock ! j’appelai de toutes mes forces, et en réponse j’entendis pousser un grand cri qui lui était échappé involontairement, comme je l’appris bientôt, en apercevant Anneke. Dirck était encore vivement agité quand il nous rejoignit ; jamais je ne l’avais vu livré à une émotion pareille, et je fus obligé d’attendre quelque temps avant de lui adresser la parole.

— Eh bien, tous vos compagnons sont en sûreté, n’est-ce pas ? lui demandai-je avec un peu d’hésitation ; car j’avais regardé comme perdus ceux qui se trouvaient dans le sleigh d’Herman Mordaunt.