Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/259

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il y en avait cinq cents ; — pour le temps qui resterait à courir, quelle qu’en fût la durée, elle devait être portée à un schelling par acre, plus cent dollars par an pour l’emplacement du moulin. À l’expiration du bail, le propriétaire devait reprendre les bâtiments d’après l’estimation qui en serait faite ; le locataire avait le privilège de pouvoir employer pour ses constructions tous les matériaux qu’il trouverait dans la propriété ; concession importante, attendu qu’elle contenait beaucoup de pins.

Notre intention à l’égard de Mooseridge était toute différente ; nous comptions vendre par parcelles à bas prix, nous réservant de louer ensuite les fermes dont nous n’aurions pu nous défaire immédiatement, ou dont le prix n’aurait pas été payé par l’acquéreur. On pensait que de cette manière nous rentrerions plus vite dans nos déboursés, et que, suivant l’expression à la mode, nous bâtirions plus tôt un établissement, car on bâtit tout en Amérique : le spéculateur se bâtit une fortune, l’avocat une réputation, le ministre un troupeau, et le propriétaire un établissement ; souvent même, et alors l’expression devient plus juste, il se bâtit une ville.

Jason fut le plus heureux des hommes dès qu’il eut dans sa poche son bail signé et paraphé ; il pouvait se donner jusqu’à un certain point des airs de propriétaire, puisque, de dix ans, il n’avait rien à payer. Je crois même, Dieu me pardonne, qu’il comptait sur la fortune pour lui fournir quelque moyen de ne payer jamais. Herman Mordaunt, de son côté, ne semblait pas mécontent ; il se flattait d’avoir attiré dans son domaine un homme de quelque instruction, qui pourrait répandre un certain degré de civilisation autour de lui.

Au moment où les premiers rayons du soleil pénétraient à travers les fentes de nos murs de bois, et avant qu’aucun de nous trois eût quitté sa couche, j’entendis le pas presque imperceptible d’un Indien. Je sautai à terre, et je me trouvai face à face avec l’Onondago que nous n’avions plus revu.

— Vous ici, Susquesus ? m’écriai-je ; nous pensions que vous nous aviez abandonnés. Pourquoi revenez-vous ?

— Il est temps de partir, répondit l’Indien sans se troubler ; l’Anglais et le guerrier du Canada ne tarderont pas à se battre.