Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/281

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l’abri de leurs remparts. Il eût mieux valu pour nos soldats d’être moins disciplinés et moins soumis aux ordres de leurs officiers ; car ils restaient exposés sans défense aux coups de leurs ennemis, ne pouvant avancer, et ne voulant pas reculer.

Guert était parti avec les autres, et je vis bientôt qu’en le suivant nous ne pouvions tarder à nous trouver au beau milieu de la mêlée. En effet, il nous conduisit jusqu’au pied des arbres qui servaient de chevaux de frise ; et y trouvant une sorte d’abri, nous nous y établîmes en tirailleurs, et nous fîmes notre devoir en conscience. Quand les troupes se replièrent, nous restâmes seuls en quelque sorte, et nous nous maintînmes à notre poste jusqu’au dernier moment. Voyant cependant le feu se ralentir de plus en plus de notre côté, il fallut bien songer à la retraite ; mais tout en se retirant, Guert resta constamment le visage tourné du côté de l’ennemi, toujours occupé à charger sa carabine ou à faire feu en marchant. Nous reculions ainsi lentement d’arbre en arbre ; mais l’attention des ennemis finit par se diriger de notre côté ; et, pendant deux ou trois minutes, les balles sifflèrent à nos oreilles sans interruption.

Jaap n’était pas avec nous dans cette expédition, et je me dirigeai vers le marais pour voir ce qu’il était devenu. La recherche ne fut pas longue, et je le rencontrai qui revenait aussi, amenant avec lui un vigoureux Indien du Canada qu’il avait fait prisonnier. Il faisait porter à son captif trois carabines, trophée d’une triple victoire qu’il avait remportée sur trois Indiens dont deux étaient étendus sans vie dans le marais, et dont le troisième était son prisonnier lui-même. Je ne me charge point d’expliquer ce phénomène, mais ce nègre-là me parut toujours regarder une bataille comme une partie de plaisir.

À peine étions-nous réunis que nous apprîmes l’importante nouvelle que l’ordre de battre en retraite avait été donné sur toute la ligne. Notre brave et belle armée était battue, malgré la supériorité du nombre. Il n’est pas facile de décrire la déplorable scène qui suivit. Le transport des blessés à l’arrière-garde avait eu pour effet immédiat d’éclaircir les rangs. Ces infortunés furent portés par centaines dans les bateaux, tandis que la plupart des morts étaient laissés sur le champ de bataille. Toutes nos espé-