Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/300

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passe. Si on l’eût consultée, qui sait si lord Howe ne vivrait pas encore ?

— Comment cela, Guert ? Je ne vois pas quel avantage aurait pu en résulter ?

— Comment cela ? mais de la manière la plus simple du monde. Je suppose que Dorothée eût prédit cette défaite ; il est clair qu’Abererombie, s’il eût en la moindre foi dans les paroles de Dorothée, n’aurait pas commandé l’attaque.

— Mais alors Dorothée aurait menti ; car, pour qu’elle prédise vrai, il faut bien que l’événement soit d’accord avec la prédiction ; le beau mérite vraiment de prédire des malheurs qu’on pourrait ensuite éviter ! Rien ne serait plus facile alors que d’être sorcier.

— Par saint Nicolas ! Corny, je n’y songeais pas. Ce que c’est pourtant que d’avoir été élevé dans un collège ! Je regrette tous les jours de n’avoir rien fait quand j’étais enfant ; et je crains bien d’avoir à le regretter toute ma vie.

Pauvre Guert ! Il était toujours l’humilité même, dès qu’on venait à parler d’éducation ; aussi était-ce un sujet que j’avais grand soin d’éviter avec lui. Cette fois rien ne me fut plus facile. Notre repas était terminé, et il fallut se remettre en marche.

Nous n’étions pas au bout de nos fatigues ; mais personne ne manifesta le moindre découragement. Pour Susquesus, il semblait toujours aussi alerte qu’au moment du départ.

Le soleil était près de se coucher quand nous atteignîmes les limites du domaine de Mooseridge. Quelques entailles faites dans les arbres nous servirent à les distinguer, et nous permirent de nous diriger ensuite en assez droite ligne vers l’habitation.

Susquesus jugea quelques précautions nécessaires au moment où nous approchions du terme de notre voyage. Il nous fit rester en arrière et prit les devants en éclaireur. Bientôt après il nous appela, et nous le trouvâmes près de la hutte, qui était dans l’état où nous l’avions laissée, mais personne ne se montrait. Peut-être les arpenteurs étaient-ils allés travailler à une assez grande distance, et ils avaient préféré camper dans la forêt, comme c’était souvent leur habitude. Peter les avait sans doute accompagnés pour ne pas rester seul. Nous entrâmes donc avec confiance dans