Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/335

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contentai de saisir le prisonnier par un bras, tandis que Guert le tenait par l’autre, et nous gagnâmes ainsi l’habitation. Herman Mordaunt était à la porte avec une douzaine de ses gens, tous armés, et prêts à nous recevoir ; car les cris qu’ils avaient entendus leur avaient fait pressentir notre arrivée. En moins d’une minute tout le monde était entré. Le fait était que notre attaque avait été si soudaine que nous avions tout balayé devant nous, et les ennemis n’avaient pas eu le temps de se remettre de leur frayeur, avant que nous fussions tous en sûreté. Une fois renfermés à Ravensnest, nous ne courions plus d’autres dangers que ceux qui étaient communs à toute forteresse dans ces guerres des forêts.

Il faudrait une plume plus exercée que la mienne pour peindre cette transition si brusque de l’obscurité du ravin, de ce combat court, mais sanglant, de ces cris, de cette confusion, de cette course précipitée, à ce bien-être, à cette sécurité que nous trouvions à Ravensnest. Nous étions reçus dans un appartement chaud, bien éclairé, commode, et quels étaient nos hôtes ! des femmes que des larmes involontaires mêlées à de ravissants sourires rendaient plus séduisantes encore. Anneke et son amie avaient éprouvé des angoisses terribles ; mais en nous voyant sains et saufs, il semblait que pour elles tout sentiment de danger fût passé, et les couleurs avaient reparu sur leurs joues. Ce furent des remerciements sans nombre sur la promptitude que nous avions mise à leur répondre, et de la manière la plus agréable, en venant nous-mêmes ; comme si nous avions en cela quelque mérite, comme si le soin même de notre conservation ne nous en eût pas fait un devoir, quand même nous n’aurions pas éprouvé le besoin de venir les défendre ! Dans les explications qui suivirent, dans cet échange de pensées entre nous depuis une séparation qui nous semblait déjà si longue, nous aurions oublié tout l’univers, si Herman Mordaunt n’était entré tout à coup très-agité.

— Nous venons, s’écria-t-il, de barricader la porte, et nous ne nous sommes pas aperçus que tout votre monde n’est pas encore ici. Je ne vois ni Traverse et ses aides, ni vos chasseurs. À coup sûr, ils ne sont pas restés dans la forêt ?