Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/369

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— Cela est mauvais, — la chevelure est sauvée, cela est bon du moins. Portez-le dans la maison, — Susquesus suivra la piste et verra ce que deviennent les Indiens.

C’était en effet le meilleur parti à prendre ; on le chargea donc de surveiller l’ennemi pendant que nous nous dirigions vers Ravensnest.

Dirck consentit à nous précéder pour faire connaître la fatale nouvelle, et je restai auprès de Guert, qui ne quitta pas ma main de toute la route. Nous formions un bien triste cortège pour des vainqueurs. Aucun de nous n’avait souffert dans cette dernière affaire, le pauvre Guert excepté ; en bien, trois ou quatre des nôtres seraient restés sur le terrain que nous aurions été moins atterrés. Nous étions familiarisés avec la mort ; c’est une image que le soldat s’habitue si vite à envisager froidement ; mais il est de ces malheurs subits qui font faire un pénible retour sur soi-même, et qui apprennent à ne point oublier à quel point nous dépendons de la Providence. Tel était l’effet que la mort de lord Howe avait produit sur l’armée devant Ticonderoga, et c’était une impression semblable que la blessure de Guert Ten Eyck avait faite sur la petite troupe rassemblée pour défendre les possessions de Ravensnest.

À notre entrée dans la maison, nous trouvâmes la plupart de ceux qui y étaient restés, déjà rassemblés dans la cour, comme on se réunit dans une église pour recevoir un mort. Herman Mordaunt avait donné ordre de préparer sa propre chambre pour le blessé, et nous y portâmes Guert ; il fut placé sur le lit, puis la foule se retira en silence. Je remarquai que Guert jetait autour de lui des regards avides et inquiets, et je lui dis tout bas que j’allais chercher les deux amies. Un sourire et un serrement de main expressif me témoignèrent que j’avais bien compris sa pensée.

Je trouvai Mary Wallace pâle, il est vrai, mais plus calme et plus maîtresse d’elle-même que je ne m’y attendais ; cet instinct des convenances, qui lui était si naturel, lui avait fait sentir la nécessité d’imposer silence à ses sentiments, de peur de redoubler les souffrances du pauvre malade par l’éclat de sa douleur. Pour Anneke, c’était toujours la même personne : douce, résignée, pleine de compassion pour son ami.