Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/10

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je fis sa connaissance, et au-dessus duquel il ne s’éleva jamais.

Les révolutions, surtout celles qui ont un caractère populaire, ne mettent pas en évidence les hommes qui ont reçu l’éducation la plus distinguée, mais plutôt ceux qui se trouvent avoir les qualités demandées par les besoins du moment. Il n’en fut pas tout à fait ainsi dans notre grande lutte nationale. C’est un fait étrange, mais incontestable, que pas un seul de nos jeunes soldats, pendant toute la durée de la guerre, ne conquit une haute position militaire par la force de ses talents. Peut-être faut-il l’attribuer en partie à cette circonstance que, dans une lutte pareille, il fallait dans les chefs plutôt de la prudence et de la circonspection que des qualités plus brillantes, et l’on recherchait plus l’âge et l’expérience que la jeunesse et l’audace. Il est probable qu’André Coejemans, à son arrivée à l’armée, était, par sa position sociale, au-dessus du niveau de la plupart des officiers des régiments fournis par les colonies du nord. Il est vrai que son éducation n’était pas égale à sa naissance ; car alors, sauf quelques exceptions bien rares, les Hollandais de New-York, même ceux qui avaient de la fortune, n’étaient rien moins que savants. À cet égard, nos voisins les Yankees avaient de beaucoup l’avantage sur nous. Ils envoyaient tous leurs enfants à l’école, et si ceux-ci ne recevaient guère qu’une instruction superficielle, c’était toujours assez pour établir leur supériorité au milieu de parfaits ignorants. André n’avait pas cherché à combler cette lacune en étudiant lui-même. Il savait lire et écrire, mais voilà tout ; le calcul avait été la pierre d’achoppement contre laquelle étaient venues se briser toutes ses espérances comme arpenteur. Je lui ai souvent entendu dire que « si la terre avait pu se mesurer sans l’aide de figures, il n’aurait reconnu pour son maître aucun homme de cette profession dans toute l’Amérique, sauf toutefois Son Excellence, le meilleur et le plus honnête arpenteur que la terre eût jamais porté. »

La circonstance que Washington avait exercé un moment l’état d’arpenteur dans sa première jeunesse, était une source de juste orgueil pour André. Il sentait que c’était un honneur d’occuper même une position secondaire dans une profession qui avait été honorée par un si grand homme. Je me rappelle que,