Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/142

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CHAPITRE XIV.


Voulant mêler un jour leurs sorts, le destin le fit tout ce qu’elle n’était pas, et leurs cœurs, attirés par cette différence même, contractèrent une étroite sympathie.
Pinckrey.


Pendant tout ce temps je vis Ursule chaque jour et à chaque heure. Habitant la même maison, nous avions des occasions continuelles de nous voir, de nous parler. Ursule aurait été la plus grande coquette du monde, qu’elle n’eût pu employer d’expédients plus heureux pour me charmer que ceux qu’elle mettait en usage, à son insu, sans avoir la plus légère intention de produire ce résultat. C’était précisément l’absence totale d’art qui formait un de ses plus grands attraits, et qui donnait tant de piquant à son esprit et à sa beauté.

Dès qu’Ursule se vit placée à la tête du ménage, elle se mit à remplir les devoirs de sa nouvelle position sans bruit, sans fracas, mais activement et de manière à ce que rien n’échappât à sa surveillance. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une femme, pour être bonne ménagère, doit mettre elle-même la main à la pâte, ou faire la lessive ; mais il faut qu’elle sache gouverner sa maison, sans qu’on la voie ni qu’on l’entende ; il faut en quelque sorte que chacun sente sa présence, et qu’attentive au bien-être de tous ceux qui l’entourent, elle sache prévenir leurs besoins ou leurs désirs, et en même temps régler les dépenses sur les ressources mises à sa disposition.

C’est ce qu’Ursule entendait à ravir. Elle évitait ces déplacements continuels, ces allées et venues incessantes qui, le plus souvent, n’aboutissent à rien. Les nègres lui épargnaient la nécessité de se livrer à des travaux purement manuels ; et tout se faisait au moment voulu, sans trouble et sans confusion. Toujours d’une humeur charmante, elle chantait souvent, non pas