Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/143

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à gorge déployée, mais à demi-voix ; et parfois, quand elle se croyait seule, sa voix prenait un accent mélancolique, comme si les airs qu’elle fredonnait réveillaient en elle d’anciens souvenirs. Deux ou trois fois même, j’avais surpris des larmes dans ses yeux, mais je n’osai lui en demander la cause. D’ailleurs, j’aurais pu à peine en trouver l’occasion ; car, dès qu’elle me voyait, elle essuyait ses yeux, et me recevait le sourire sur les lèvres.

Ai-je besoin d’ajouter que le temps passait pour moi d’une manière charmante et avec une surprenante rapidité ? Le porte-chaîne resta auprès de nous par ordre, car une simple prière n’eût pas suffi ; et je ne me rappelle pas avoir jamais passé un mois plus délicieux. Je fis connaissance avec mes fermiers, et je les trouvai, pour la plupart, bons travailleurs, honnêtes, industrieux. Mon frère d’armes, le vieux major de milice, entre autres, était un excellent homme ; et comme il occupait la ferme attenante à la mienne, il venait souvent me voir. Il murmurait un peu entre ses dents contre la secte qui avait pris possession du nouveau temple, mais on voyait qu’il n’avait pas de fiel dans le cœur.

— Je ne comprends pas grand-chose à ces affaires de majorité, me disait-il un jour ; mais ce que je sais très-bien, c’est que Newcome sait toujours s’arranger de manière à en avoir une. Un jour, il n’avait pas pour lui le quart des membres présents ; eh ! bien c’est égal ; il s’est retourné si bien qu’il a fini par avoir raison.

— J’en ai vu un échantillon à mon arrivée, et certes on n’est pas plus adroit !

— Oui, mais moi j’avoue que cela me passe : on a raison ou on ne l’a pas. Après tout, pour ce qui est de telle ou telle dénomination à donner à l’église, Je ne m’en mêle pas. Que l’homme prie où il veut, pourvu qu’il prie ; qu’on prêche de telle ou telle manière, pourvu que les autres écoutent ; peu m’importe. Je crois que cette tolérance en matières religieuses fait de rapides progrès parmi nous, quoique peut-être elle touche de bien près à l’indifférence. Quant aux épiscopaux, je m’étonne qu’il en existe encore dans le pays, bien que notre nombre augmente rapidement. Une église, fondée sur le principe de l’admi-