Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/214

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sincère. Il est affreux d’être toujours en révolte contre la loi !

— Il vaudrait beaucoup mieux qu’il prît une ferme régulièrement. La terre est si abondante dans ce pays que, soit qu’on veuille louer soit qu’on veuille acheter une centaine d’acres, ce n’est pas une grande affaire, pour peu qu’on soit sobre et actif.

— Jamais mon père ne boit, si ce n’est le 4 de juillet ; et pour des garçons, mes frères sont aussi d’une grande sobriété. Si ma mère n’a pas dit cent fois à mon père, monsieur Littlepage, qu’elle voudrait lui voir cesser ce genre de vie, et prendre un bout d’écrit pour quelque pièce de terre, elle ne le lui a pas dit une ; mais mon père répond qu’il n’a pas été fait pour l’écriture, ni l’écriture pour lui. Il est bien en peine de savoir ce qu’il va faire de vous, à présent qu’il vous tient.

— M. Newcome a-t-il donné son avis à ce sujet, pendant qu’il était avec vous ?

— M. Newcome ? Mon père n’a pas ouvert la bouche sur ce que vous étiez ici. Il connaît trop bien son affaire pour se mettre à la discrétion de l’Écuyer, qui alors aurait voulu avoir tout le bois pour rien. Que pensez-vous, monsieur Littlepage, de notre droit sur les planches, une fois que nous les avons coupées et sciées nous-mêmes ? Cela ne fait-il pas quelque différence ?

— Quel droit croiriez-vous avoir sur une robe qu’une autre jeune fille aurait faite avec une étoffe qu’elle aurait prise dans votre armoire, quand vous aviez le dos tourné, et qu’elle aurait ensuite taillée, façonnée et cousue de ses propres mains ?

— Tous les droits du monde, assurément. Mais les planches sont faites avec des arbres.

— Et les arbres ont un maître, comme les étoiles. Les couper et les tailler ne constitue en rien un droit de propriété.

— C’est ce que je craignais, reprit Laviny en soupirant assez haut pour être entendue. J’ai lu dans cette vieille Bible que je vous ai prêtée quelque chose qui me semblait avoir ce sens, bien que Tobit et les autres garçons m’assurent le contraire. Ils disent que nulle part il n’est question de planches dans la Bible.

— Et que dit votre mère ?

— Ma mère ne s’explique pas. Elle voudrait que mon père