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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/218

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avec acharnement ? La tentation est trop forte pour qu’il soit possible d’y résister.

Je compris ce que ces paroles avaient de sinistre ; mais toute ma fierté se révoltait à l’idée d’accepter des conditions qui me seraient imposées. J’allais faire une réponse conforme à ces sentiments, lorsque, en regardant à travers les ouvertures de ma prison pour voir la physionomie de mon vieux tyran, j’aperçus le porte-chaîne qui venait droit au magasin, et qui n’était plus qu’à cent pas de nous. La direction qu’avaient prise mes regards attira l’attention du squatter, qui se retourna et s’aperçut, à son tour, de la visite inattendue qu’il recevait. L’instant d’après, André était à ses côtés.

— Ainsi donc, Mille-Acres, je vous trouve ici, s’écria le porte-chaîne. Voilà bien des années que nous ne nous sommes rencontrés, et je regrette que nous nous retrouvions dans des circonstances pareilles !

— Ce n’est pas moi qui ai cherché cette rencontre, porte-chaîne, et je ne vous ai pas prié de venir.

— Je le sais, je le sais parfaitement. Non, non, vous ne désirez ni chaînes, ni porte-chaînes, ni arpenteurs, ni boussoles, ni fermes, ni fermages. Nous n’en sommes pas aujourd’hui à faire connaissance ensemble, lorsqu’il y a cinquante ans que nous nous sommes vus pour la première fois.

— Oui, cinquante ans ; et, puisque ce temps n’a pas suffi pour nous mettre d’accord sur un seul point, nous aurions mieux fait de rester chacun de notre côté.

— Je suis venu pour mon ami, squatter, pour mon noble ami, que vous avez arrêté et que vous retenez prisonnier, au mépris de toute loi et de toute justice. Rendez-moi Mordaunt Littlepage, et je vous aurai bientôt délivré de ma présence.

— Comment voulez-vous que j’aie vu votre Mordaunt Littlepage ? qu’ai-je de commun avec votre ami, pour que vous veniez me le demander ? Passez, passez votre chemin, vieux porte-chaîne, et laissez-moi tranquille, moi et les miens. Le monde est assez grand pour nous deux, ce me semble ; pourquoi vous attirer de mauvaises affaires en venant troubler une couvée comme celle qui provient d’Aaron et de Prudence Timberman ?