Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/234

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— Donnez ma bénédiction à la chère enfant, Mordaunt. Dites-lui que le vieux porte-chaîne prie Dieu pour elle. Vous vous chargerez du reste.

J’expliquai en peu de mots à Ursule notre position, en la lui peignant sous l’aspect le plus favorable que je pouvais le faire en conscience. Ensuite je la suppliais de retourner auprès de son frère et de ne plus le quitter. Je finissais par lui laisser entrevoir que mes sentiments pour elle étaient aussi vifs que jamais ; et je crois que l’amour me suggéra quelques expressions assez énergiques. Au moment où je traçais les derniers mots, Laviny reparut, nous apportant un pot de lait, afin d’avoir un prétexte pour s’approcher de nouveau du magasin ; elle reçut le billet en échange, et s’enfuit aussitôt du côté des champs. Je l’entendis qui criait en passant à une de ses sœurs qu’elle allait cueillir des mûres pour en donner aux prisonniers.

Je guettai les mouvements de la jeune fille avec un intérêt profond. Le porte-chaîne, qui avait peu dormi depuis ma disparition, réparait le temps perdu ; et quant à l’Indien, manger et dormir sont les occupations ordinaires de sa race, quand on n’est ni à la chasse, ni sur le sentier de guerre.

Laviny se dirigea vers un champ dont les broussailles avaient pris complètement possession. Elle y disparut bientôt, cueillant en passant des mûres d’un doigt agile, comme si elle voulait avoir quelques fruits à montrer à son retour. J’avais les yeux fixés sur l’entrée de la forêt, épiant le moment où je verrais reparaître la jeune fille. Je crus voir un moment se dessiner une robe au milieu des arbres ; ce ne pouvait être encore Laviny ; c’était donc Ursule, et j’avais la confiance que mon message lui parviendrait. Au bout d’une demi-heure, je vis distinctement Laviny au pied du châtaignier. Elle s’arrêta un moment, comme pour reconnaître les lieux, puis elle entra tout à coup dans la forêt, où sans doute elle avait entrevu Ursule. Une heure entière s’écoula et je ne la revis plus.

Cependant Zéphane venait de prendre le chemin du magasin. Cette fois il était accompagné de deux de ses frères, et il tenait la clé à la main. D’abord, Je crus que j’allais être appelé à comparaître devant le tribunal de Mille-Acres ; mais j’étais dans