Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/241

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André se rendit à mon désir ; mais il était évident qu’il se faisait violence. Le squatter, qui eût bien voulu, non-seulement rester en possession de ses terres usurpées, mais encore nous convaincre que la raison et le bon droit étaient de son côté, reprit aussitôt :

— Jeune homme, je ne demande pas mieux que de discuter paisiblement avec vous. Il faut que je commence à l’origine des choses, car si vous accordez quelque valeur aux titres, aux concessions du roi, et à toutes ces chimères, je conçois que mes droits vous semblent peu évidents. Mais remontons au principe, comme je vous disais. Vous ne contesterez pas, je suppose, que le Seigneur a créé le ciel et la terre, et qu’il a créé l’homme pour être le maître de tout le reste ?

— Bah ! répliqua vivement le porte-chaîne. Ainsi donc parce que le Seigneur a créé l’aigle qui vole si fort au-dessus de votre tête, est-ce un signe que vous deviez le tuer ou qu’il doive vous tuer ?

— Écoutez la raison, porte-chaîne, et laissez-moi parler. Je veux bien vous écouter ensuite. Je commence par le commencement, au moment où l’homme fut mis pour la première fois en possession de la terre, pour la bêcher, la retourner dans tous les sens, couper du bois, le travailler, selon ses besoins et ses caprices. Eh bien ! Adam fut notre père à tous, et la terre lui fut donnée à lui et à sa postérité par Celui dont les titres valent bien ceux de tous les rois, de tous les gouverneurs et de toutes les assemblées du monde. Adam vécut son temps, et il laissa toutes choses à ses descendants ; et il en fut ainsi de père en fils jusqu’à nous, suivant la loi de Dieu, sinon suivant les lois de l’homme.

— En admettant ce que vous dites, squatter, comment votre droit ici serait-il meilleur que celui de tout autre homme ? demanda André d’un ton de dédain.

— C’est la raison qui nous dit où commence le droit de tel ou tel homme ; suivez mon raisonnement, porte-chaîne. Voilà la terre, n’est-ce pas, donnée à l’homme afin qu’il s’en serve pour ses besoins. Quand vous et moi nous sommes nés, quelques parties de la terre étaient employées, d’autres ne l’étaient pas. Nous avons besoin de terres, quand nos bras sont assez robustes pour