Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’avais été frappé des dernières paroles de mistress Léger, et surtout du ton dont elle les avait prononcées. Le nom de Bayard était celui d’une famille bien connue dans le pays, et dont il y avait plusieurs branches disséminées dans les États du centre ; mais je me trouvais ne pas en connaître un seul membre. En quoi donc mon retour pouvait-il être un événement heureux ou malheureux pour eux ? Assez naturellement, après y avoir réfléchi une ou deux minutes, je communiquai à ma compagne les pensées qui m’occupaient. Elle me répondit :

— La pauvre mistress Léger parle assez à tort et à travers ; et le plus souvent, cher frère, elle aurait grand’peine à expliquer ce qu’elle veut dire. Nous ne connaissons qu’une branche de la famille des Bayard. Ce sont ceux qui demeurent aux Hickories. Vous ne pouvez ignorer que ma mère est intime avec eux depuis longtemps.

— Je l’ignore complètement, ma chère. Tout ce que je sais, c’est qu’à quelques milles plus haut, sur le bord de la rivière, il y a une propriété qui porte ce nom, mais je n’avais jamais entendu dire que ma mère fût liée avec les personnes qui l’habitaient. Au contraire, si je me rappelle bien, il me semble qu’il y eut autrefois un procès entre mon grand-père Mordaunt et une personne du nom de Bayard.

— Oh ! tout cela est oublié, et ma mère dit que ce n’était qu’un malentendu. Nous sommes des amis intimes à présent.

— Je suis charmé de l’apprendre ; car, puisque nous avons la paix, il n’est pas mal qu’elle règne partout. Il est rare cependant que de vieux ennemis deviennent de bien chauds amis.

— Mais nous n’avons jamais été… je veux dire que mon grand-père n’a jamais été l’ennemi de personne, et l’affaire avait été arrangée à l’amiable, avant son départ pour l’Europe, dans cette fatale visite qu’il voulut rendre à sir Henry Bulstrode. Non, non, ma mère vous dira que les Littlepage et les Bayard sont au mieux ensemble.

Catherine parlait avec tant de feu que je la regardai attentivement. La pauvre enfant était toute rouge ; et sans doute elle s’en aperçut, car elle se détourna aussitôt comme pour éviter mon regard.