Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promènerais en long et en large pendant quelques minutes, m’engageant à ne faire aucune tentative d’évasion. Cette explication sembla satisfaire mon gardien, et on me laissa continuer ma promenade.

J’allais de la maison au groupe des squatters, et, à chaque tour, je regardais, par la porte, Ursule qui était toujours assise, immobile et silencieuse, au chevet du lit de son oncle. Je m’apercevais que les jeunes gens suspendaient leur entretien à mon approche ; et insensiblement j’étendis le cercle de mes excursions, et je m’éloignai jusqu’à cinquante pas, d’abord d’un côté, et ensuite de l’autre, du groupe, qui se trouvait ainsi au centre de ma promenade. Aller plus loin, c’eût été éveiller les soupçons, et donner à croire que je cherchais à manquer à ma parole.

Je pouvais avoir fait ainsi huit à dix tours, quand j’entendis, près de moi, un léger sifflement, à l’extrémité d’une de mes courtes excursions. Il y avait là un tronc d’arbre, et c’est du pied que le son semblait sortir. D’abord, je m’imaginai que j’avais empiété sur le domaine de quelque serpent ; quoique les animaux de ce genre, capables de proférer de pareilles menaces, fussent même alors très-rares parmi nous. Mais mon incertitude fut bientôt dissipée.

— Pourquoi ne pas vous arrêter à cet arbre ? dit Susquesus, assez bas pour qu’on ne pût l’entendre à dix pas de distance. J’ai quelque chose à dire que vous aimerez à entendre.

~ Attendez que j’aie fait encore un ou deux tours ; je reviendrai dans un moment, répondis-je avec précaution.

Je continuai ma marche ; et, arrivé à l’autre extrémité, je restai appuyé contre un arbre pendant une ou deux minutes ; puis je revins sur mes pas en passant encore devant les squatters. Je recommençai trois fois, m’arrêtant à chaque tour, comme pour me reposer ou réfléchir, et ayant toujours soin que la dernière pause fût plus longue que celle qui l’avait précédée. Enfin je m’arrêtai contre le tronc même qui cachait l’Indien.

— Comment vous trouvez-vous ici, Susquesus ? demandai-je ; est-ce que vous êtes armé ?

— Oui, j’ai une bonne carabine ; celle du porte-chaîne. Il n’en a plus besoin, hein ?