Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/298

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père, furent cause que nous ne fûmes plus inquiétés par les squatters. Ils avaient disparu si complètement de la clairière, tous, jusqu’aux plus petits enfants, qu’aucune trace de leur passage ou de leur retraite ne put même être découverte le lendemain matin. Cependant Laviny n’avait pas accompagné sa famille, mais elle était restée près d’Ursule, pour remplir de tristes et derniers devoirs envers son père. Je dirai sur-le-champ qu’on ne sut jamais d’une manière positive de quelle manière Mille-Acres avait reçu le coup mortel. Il avait été frappé, sans aucun doute, à travers la porte ouverte, dans le premier moment du tumulte. J’ai toujours pensé que Susquesus avait immolé le squatter aux mânes de son ami le porte-chaîne ; administrant la justice à l’indienne, sans hésitation et sans remords. Cependant je n’en acquis jamais une certitude complète, et l’Onondago eut assez de prudence et de philosophie pour garder son secret. Une ou deux remarques qui lui échappèrent dans le premier moment étaient de nature à confirmer mes soupçons ; mais, à tout prendre, il montra une réserve remarquable, moins par un sentiment de crainte que par une sorte de fierté et d’amour-propre. Il y avait en effet peu d’inquiétudes à concevoir : le meurtre du porte-chaîne, les actes de violence auxquels s’étaient portés les squatters autorisaient l’attaque directe et soudaine de la force armée.

Au moment où Malbone et moi nous avions découvert le triste sort de Mille-Acres, le détachement amené par l’écuyer Newcome commençait à se rassembler autour de la maison, qui servait alors d’hôpital. Comme 11 était nombreux, et par conséquent, assez tumultueux, j’engageai Frank à conduire du côté des autres habitations les hommes qui le composaient, dès qu’un lit eut été préparé pour le squatter dans la même chambre que le porte-chaîne. Il n’y avait pas plus d’espoir pour l’un que pour l’autre, bien qu’on eût envoyé chercher à Ravensnest le personnage qui se donnait le titre de docteur, et qui commençait en effet à acquérir quelques connaissances de son art, à force de le pratiquer. On dit qu’une once d’expérience vaut une livre de théorie, et ce disciple d’Esculape justifiait pleinement le proverbe ; car, s’il tuait souvent ses malades, il faut convenir que depuis quelque temps il les guérissait quelquefois.