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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/300

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de ce qui était arrivé à un autre, et l’on me dit qu’il a été assassiné sur sa chaise ! Le Seigneur à la fin sera pour nous, et nous verrons alors qui sera favorisé, qui sera condamné par la loi !

Un mouvement et un soupir de Mille-Acres parurent apprendre pour la première fois à Prudence que son mari n’était pas encore mort. Tressaillant à cette découverte, elle cessa toute plainte, toute récrimination ; sa fureur s’apaisa à l’instant ; et, avec l’énergie naturelle à une femme qui avait mené une vie si aventureuse et si pleine de fatigues et de dangers, avec l’expérience d’une mère qui avait élevé une si nombreuse famille, elle se mit à lui prodiguer tous les soins qu’exigeait son état. Elle lui essuya le front, humecta ses lèvres, releva son oreiller, tel quel, plaça ses membres dans la position qui lui parut la plus commode, enfin chercha, dans son désespoir, tous les moyens d’améliorer l’état du blessé. Tout en agissant, elle murmurait des prières et des menaces, singulièrement entremêlées, et qui étaient interrompues par les expressions de tendresse qu’elle prodiguait à son mari, à son cher Aaron, et cela avec une émotion vraie qui prouvait que Mille-Acres possédait toutes ses affections, et que pour elle, du moins, il s’était montré loyal et bon.

Je restai convaincu qu’Ursule n’avait rien à craindre de Prudence, et que je pouvais m’éloigner un moment. En quittant celle qui occupait alors toutes mes pensées, je me hasardai à lui témoigner tout bas l’espoir qu’elle n’oublierait pas la promesse qu’elle m’avait faite dans la forêt, et je la priai de me faire prévenir aussitôt que le porte-chaîne paraîtrait sortir de son assoupissement et qu’il serait en état de parler. Je craignais que les pensées qui l’avaient déjà occupé depuis qu’il avait reçu sa blessure, ne se présentassent de nouveau à son esprit, et qu’il ne cherchât à faire partager à sa nièce les scrupules exagérés qu’il avait conçus. Ursule fut la tendresse même. Il semblait que l’affliction eût donné un nouvel élan à ses sentiments pour moi, et je me convainquis que je n’avais rien à craindre de sa part. Lorsque je passai devant Frank, qui faisait sentinelle à une vingtaine de pas de la maison, il me dit : Que Dieu vous protège, Littlepage ! ne craignez rien ; je suis trop dans la même situation que vous pour ne pas prendre chaudement vos intérêts. Je répondis