Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fiance qui régnait entre nous, il était certaines limites que son respect ne se serait jamais permis de franchir. Ainsi jamais il n’aurait osé me parler le premier, mais du moment que je lui eus adressé la parole, il me répondit avec autant de liberté que de franchise.

— Eh bien ! Jaap, il paraît que votre conduite a été pleine de résolution et d’adresse. Je vous en fais mon compliment. On ne pouvait mieux s’y prendre pour délivrer l’Indien, et pour guider la force armée.

— En effet, maître, j’ai assez bien réussi. Je savais bien ce que je faisais en donnant la volée à Susquesus ; car ce gaillard-là ne manque jamais son coup avec sa carabine. Nous aurions pu faire mieux encore, maître ; mais l’écuyer ne voulait jamais nous laisser tirer. S’il avait voulu seulement commander feu ! quand je le lui disais, il ne s’en serait pas échappé la moitié d’un.

— Il vaut mieux que les choses se soient passées autrement, Jaap. Nous sommes en paix, dans l’intérieur des terres, il faut éviter toute effusion de sang.

— Oui, mais alors, pourquoi celui du porte-chaîne a-t-il coulé ?

— Il y a un sentiment de justice dans ce que vous dites, Jaap ; mais il faut laisser agir la loi. Notre devoir était de faire ces squatters prisonniers, et de les livrer à la justice.

— C’est vrai ; personne ne le contestera, maître. Mais ils n’ont été ni pris ni tués, après tout, et c’est cependant ce qu’ils méritaient. C’est égal ; il y en a un parmi eux qu’ils appellent Tobit, qui se souviendra toute sa vie de Jaap Satanstoe. C’est bon, n’est ce pas ?

— Très-bon ! s’écria l’Onondago avec énergie.

Je vis que pour le moment il était inutile de vouloir discuter des principes abstraits avec des hommes aussi purement pratiques que mes deux compagnons, et je continuai ma reconnaissance, avant de rentrer dans notre hôpital pour le reste de la nuit. Le nègre me suivit, et je l’interrogeai sur le chemin que les squatters avaient pris en se retirant, pour juger s’il y avait quelque inquiétude concevoir. Les hommes étaient descendus dans l’enfoncement formé par la rivière, afin de pouvoir en suivre les