Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/336

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CHAPITRE XXX.


— La victoire est à vous, sire.
— Elle est glorieuse et couronne dignement notre clémence. Les morts ont nos regrets ; les vivants, nos souhaits empressés pour leur bonheur.
Beaumont et Fletcher.


La fatigue me retint au lit plus tard qu’à l’ordinaire. Quand je descendis pour prendre un moment l’air avant le déjeuner, je vis de loin la tante Mary, dont les yeux étaient fixés sur un ravin boisé qui lui rappelait de cruels souvenirs. C’était là que son fiancé avait été tué il y avait près d’un quart de siècle, et elle revoyait, pour la première fois depuis lors, le théâtre de ce triste événement.

Respectant son émotion, je dirigeai ma promenade d’un autre côté, et je ne tardai pas à rencontrer mon père et ma mère qui se promenaient bras dessus bras dessous, parcourant les lieux témoins de tant de scènes intéressantes de leur jeunesse.

— Nous parlions de vous, Mordaunt, me dit le général dès qu’il m’aperçut. Voici un domaine qui acquiert de importance et qui en acquerra davantage de jour en jour. Naturellement vous songerez bientôt à vous marier, et nous disions, votre mère et moi, que vous devriez vous construire ici une maison en bonnes pierres de taille, et vivre dans vos terres. Vous ne sauriez croire les bons effets que vous en retireriez. Rien, ne contribue autant à civiliser un pays que la présence d’une famille dont les mœurs, les manières, les habitudes, puissent servir de modèle.

— Je serai toujours disposé, mon père, à suivre vos conseils ; mais ce n’est pas une petite entreprise que de construire un édifice semblable, et je ne pourrais jamais réunir assez d’argent.

— On vous aidera, mon fils, on vous aidera. D’ailleurs, la dépense sera moins forte que vous ne pensez. Les matériaux