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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/338

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— Si fait, mon garçon, parfaitement au contraire. Vous aimez Priscilla Bayard ; mais vous n’avez pas encore osé vous déclarer. Pourquoi cela, Mordaunt ? Sans doute votre réserve est louable et je la comprends ; mais il ne faut pas la pousser trop loin, et quand un homme d’honneur a fait son choix, il doit, suivant moi, se prononcer immédiatement, et ne point tenir en suspens l’objet préféré.

— Ce n’est point là un reproche que j’aie à me faire, et peut-être me suis-je trop avancé avant de consulter ma famille. Je dois commencer par vous dire que je n’éprouve pour miss Bayard que les sentiments d’une sincère amitié, et qu’il en est de même de ses sentiments à mon égard.

— Mordaunt ! s’écria une voix que je n’ai jamais entendue sans qu’elle excitât dans mon âme une émotion profonde.

— Ma bonne mère, je n’ai dit que la vérité, et tout mon regret, c’est de n’avoir point parlé plus tôt. J’aurais beau demander à miss Bayard sa main, qu’elle me la refuserait.

— Qu’en savez-vous, Mordaunt, qu’en savez-vous ? dit ma grand’mère en prenant vivement la parole. Il ne faut pas juger les jeunes personnes d’après les mêmes règles que les jeunes messieurs. Des partis semblables ne se présentent pas tous les jours ; je le lui dirai bien à elle-même ; et elle a trop d’esprit et de bon sens pour faire une pareille sottise. Certes, il ne m’appartient pas de dire quels sont les sentiments de Priscilla à votre égard ; mais si son cœur est libre, et si ce n’est pas Mordaunt Littlepage qui l’a dérobé, je ne connais plus rien à mon sexe.

— Mais vous oubliez, bonne grand-maman, qu’en admettant que vos suppositions si bienveillantes fussent vraies, et j’ai de bonnes raisons de croire le contraire, il y aurait toujours un obstacle invincible ; c’est que j’en aime une autre !

Cette fois, la sensation fut si profonde qu’il en résulta un silence général. Précisément à ce moment survint une interruption, tout à la fois des plus douces et des plus étranges, qui m’épargna la nécessité de m’expliquer sur-le-champ.

Le lecteur n’a peut-être pas oublié que dans les murs extérieurs de la maison se trouvaient des meurtrières, qui y avaient été ménagées pour offrir des moyens de défense, et qui, dans ces temps