— Parlez, Kate, parlez sans crainte. Ne craignez pas de me faire de la peine ; je saurai prendre mon parti.
Le regard que me jeta Catherine me remplit d’une vive reconnaissance, et je sentis combien l’affection d’une sœur est une douce chose ! Sans doute mon air tranquille et souriant suffit pour la rassurer complètement, et elle raconta ce qu’elle venait d’apprendre.
— Voici mon explication qui est fort simple, dit-elle. Ce jeune homme est M. Francis Malbone ; c’est le fiancé de Priscilla. Oui, vous avez beau me regarder d’un air surpris ; rien n’est plus certain. Je tiens tous les détails de Priscilla elle-même.
— Voudriez-vous donc bien nous répéter ce que nous pouvons en savoir ? demanda gravement le général.
— Bien volontiers, d’autant plus que Priscilla ne désire rien cacher. Voilà plusieurs années qu’elle connaît M. Malbone, et leur attachement remonte à une date déjà bien éloignée. Le manque de fortune était la seule objection. M. Bayard le père la regardait comme très-grave, et Priscilla ne voulut pas s’engager. Mais vous vous rappelez peut-être, ma chère maman, d’avoir entendu parler de la mort d’une vieille mistress Hazleton, décédée cet été à Bath, en Angleterre, et dont les Bayards portent encore le deuil ?
— Assurément, mon enfant. Mistress Hazleton était la tante de M Bayard ; je la connaissais beaucoup avant qu’elle eût émigré. M. Hazleton était un colonel à la demi-solde ; c’était un tory prononcé, cela va sans dire. Sa femme se nommait Priscilla, et elle fut la marraine de miss Bayard.
— Justement. Eh bien, elle a laissé à sa filleule dix mille livres sterling dans les fonds publics, et les Bayards consentent à présent au mariage de leur fille avec M. Malbone. On dit en même temps, — mais je ne crois pas que cette considération soit entrée pour rien dans le consentement donné, car M. Bayard et sa femme sont d’un extrême désintéressement, — on dit que, par suite d’un décès survenu dans la famille, M. Malbone se trouve le plus proche héritier d’un vieux parent qui est très-riche.
— J’avais bien raison, comme vous voyez, m’écriai-je, de dire que miss Bayard se consolerait facilement d’apprendre que j’aime