Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/36

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le nom de notre pauvre habitation. On met en avant je ne sais quelles prétendues idées de goût et d’élégance, et l’on substitue l’affectation et la pédanterie à la simplicité de la nature.


CHAPITRE IV.

Beatrice. Contre ma volonté, je suis envoyée pour vous dire d’entrer pour le dîner.
Benedict. Belle Beatrice, je vous remercie de votre peine.
Beatrice. Je n’ai point pris de peine pour cela, plus que vous n’en prenez pour me remercier ; si c’eût été possible, je ne serais point venue.
Beaucoup de bruit pour rien.

Sous le vestibule de la maison, à Satanstoe, ma bonne grand-mère et le célèbre Thomas, ou, comme on l’appelait par abréviation, Tom Bayard, attendaient notre arrivée. Le premier coup d’œil jeté sur M. Tom m’apprit que j’aimerais mon futur beau frère ; le second, qu’il n’avait d’yeux que pour Catherine. C’était une découverte des plus agréables, car jamais je n’aurais pu me faire à l’idée de voir cette chère enfant unie à un homme qui n’eût pas apprécié dignement son mérite et rendu pleine justice à sa beauté. Quant à mon excellente aïeule, qui portait à merveille ses soixante-dix ans, l’accueil qu’elle nous fit fut, ce qu’il avait toujours été pour moi, plein d’affection et de chaleur. Elle n’appelait jamais mon père, le général, autrement que Corny, fût-ce au milieu d’un salon rempli de monde. Ma mère, qui avait vécu beaucoup plus dans la société, en faisait autant dans l’intimité. J’ai lu des espèces de traités écrits tout exprès pour blâmer ces sortes de familiarités ; mais, pourtant, j’ai toujours remarqué que les familles les plus heureuses, et même, en général, les plus comme il faut, étaient celles où elles avaient lieu. Mon père était Corny ; ma mère, Anneke ; Catherine, Kate ; et moi, Mordaunt, ou bien Mordy tout court.

Tom Bayard me rendit mon salut avec un air plein de fran-