Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/37

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chise, quoique une légère rougeur qui se répandit sur ses joues semblât dire : je suis le prétendu de votre sœur. Néanmoins ses manières me plurent beaucoup. Il n’accourut pas pour me serrer la main à me la briser, comme le font tant d’individus qui vous voient pour la première fois ; il se tint sur une réserve convenable, tout en indiquant, par un gracieux sourire, le plaisir qu’il éprouverait à faire avec moi plus ample connaissance.

Nous trouvâmes dans le petit salon miss Priscilla Bayard, qui, je n’ai pas su pour quel motif, n’était pas venue jusqu’au vestibule au-devant de nous. C’était, en effet, une charmante personne, ayant de beaux yeux noirs, une taille fine et des manières gracieuses qui révélaient l’usage du monde. Kate et Pris, comme on l’appelait familièrement, s’embrassèrent avec effusion. Miss Bayard me fit un accueil aimable, bien que je fusse tenté de croire sur quelques légers indices, qu’elle avait pu entendre quelquefois accoler mon nom au sien. Kate, dans des moments d’abandon, avait sans doute commis cette indiscrétion, ou je me trompais bien.

Ma grand’mère annonça bientôt que tout le monde coucherait à Satanstoe. Personne n’éleva la moindre objection. Réunis ainsi, en petit comité, dans une paisible habitation, la connaissance se fit rapidement, et le dîner n’était pas achevé que je me sentais déjà aussi à l’aise que si j’avais été entouré d’anciens amis. Tom et ma sœur semblaient dans la meilleure intelligence, et je vis bien, à leurs yeux, que leur mariage était une affaire arrangée. Miss Priscilla, pendant une heure ou deux, éprouva un peu d’embarras mais ce ne fut que passager, et bientôt elle bannit toute contrainte et se montra telle qu’elle était, c’est-à-dire charmante ; je fus forcé d’en convenir, oui, forcé ; car j’avoue que je me tenais fort sur mes gardes, et que je n’avais pas envie de tomber amoureux sur parole d’une jeune personne qui, au bout du compte, pouvait être fort maussade, et qu’on semblait vouloir m’imposer, bon gré mal gré. Ma bonne grand’mère, elle-même, paraissait être du complot. Du moins la manière dont son regard allait continuellement de l’un à l’autre, et le sourire de satisfaction qui animait sa figure toutes les fois qu’elle me voyait causer librement avec Priscilla, l’annonçaient d’une manière assez claire.