Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/63

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prudent de s’approcher davantage. On nous jeta une corde, et nous fûmes bientôt transférés tous, corps et bagages, à bord de l’Aigle. Dix minutes après, Lilacsbush était derrière nous, et j’étais lancé de nouveau seul dans le monde.

C’était le moment de regarder autour de moi, et de reconnaître quels étaient mes compagnons de voyage. Les passagers étaient nombreux ; il y en avait des deux sexes. Quelques-uns semblaient appartenir à la classe supérieure de la société ; mais tous m’étaient inconnus. Sur le pont étaient sept paysans robustes, au maintien calme et grave. Leurs paquets étaient entassés près du pied du mât, et je ne manquai pas de remarquer qu’il y avait autant de haches que de paquets La hache américaine ! que de conquêtes elle a faites, plus réelles et plus durables que celles de tous les grands guerriers ; et ces conquêtes, au lieu de laisser sur leur passage la ruine et la désolation, ont amené à leur suite la civilisation et la richesse ! Sur plus d’un million de milles carrés, des forêts vierges ont vu tomber leur cime impénétrable pour donner passage à la chaleur du soleil, et la culture s’est propagée, ainsi que l’abondance, là où les bêtes féroces erraient, poursuivies par le sauvage. Et tous ces résultats ont été obtenus entre le jour où je partis à bord de l’Aigle et celui où j’écris ! Un quart de siècle à peine a suffi à ces merveilleux changements ; et qui les a opérés ? ce noble, utile et précieux instrument, la hache américaine !

Il ne serait pas facile de donner au lecteur une idée exacte de la manière dont les jeunes gens et des hommes de tout âge quittèrent les parties les plus anciennes de la nouvelle république pour se répandre dans les bois afin d’abattre les forêts, et de mettre à nu les secrets de la nature, aussitôt que la nation secoua le joug pesant de la guerre pour jouir des bienfaits de la liberté et de la paix. Cette histoire, dans l’État de New-York, qui dans cette circonstance marcha si glorieusement à l’avant-garde, position qu’il a toujours noblement conservée depuis lors, reste encore à écrire. Quand elle aura été tracée, on verra sortir de l’oubli des noms qui méritent mieux des statues et des couronnes dans le temple de la gloire nationale que ceux de ces guerriers dont les brillants exploits fascinent les yeux de la multi-