Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/64

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tude, plus que des conquêtes pacifiques et véritablement utiles.

Il n’était pas ordinaire que les planteurs, nom par lequel nous désignerons ceux qui vont s’établir les premiers sur un nouveau territoire, se rendissent des environs de la mer dans l’intérieur autrement que par terre, mais quelques-uns sortaient du Connecticut en passant par New-York, et alors ils remontaient l’Hudson. C’était la route qu’avaient prise les sept paysans qui étaient à bord de l’Aigle. J’entrai en conversation avec eux, dès le premier jour, et je fus assez surpris de savoir qu’ils me connaissaient déjà. Sans doute c’était par le moyen de Jaap qu’ils avaient trouvé moyen de recueillir quelques renseignements sur moi.

La curiosité innée et le penchant à questionner des habitants de la Nouvelle-Angleterre sont des faits trop généralement admis pour pouvoir être un seul instant révoqués en doute ; mais on n’est pas aussi d’accord sur la manière de les expliquer. On donne, entre autres, pour raison, leur disposition à émigrer, d’où résulte pour eux la nécessité de demander des nouvelles des amis qu’ils ont laissés loin d’eux. Je crois que c’est se placer à un point de vue trop étroit, et qu’il faut l’attribuer plutôt à la grande activité d’esprit d’une population qui n’est point gênée dans ses allures par les usages d’un état de société plus avancé. De cette habitude de parler ainsi de tout à tout le monde, s’est formé dans l’esprit des habitants de cette portion de l’Amérique une sorte de droit de s’immiscer dans les détails de la vie privée, protégés ailleurs par la barrière sacrée des convenances.

Quoi qu’il en soit, mes compagnons étaient parvenus à tirer de Jaap tout ce qu’il savait de Ravensnest et de Mooseridge, ainsi que les motifs qui m’avaient fait entreprendre ce voyage. Une fois ces renseignements obtenus, ils ne perdirent pas de temps pour se mettre en rapport avec moi, et m’adresser les questions qui les intéressaient le plus. Je répondis comme je le devais, et, la glace une fois rompue, nous parlâmes affaires. Je vis bientôt qu’ils cherchaient plutôt à affermer des terres qu’à en acheter. Les pauvres gens portaient dans leurs havresacs tout ce qu’ils possédaient, et le peu d’argent qu’ils avaient en réserve