Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/81

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constitution et par la sève qu’il y avait en elle, et ce fut surtout en abandonnant l’épée pour le soc.

— Oui, repris-je, le porte-chaîne est pauvre, comme presque tous ceux de sa classe ; mais il a des amis ; et ni lui ni vous, Susquesus, vous n’en serez réduits à ces ouvrages de femmes, tant que j’aurai une habitation ou une ferme à vous offrir.

Un éclair, aussi passager que le premier, sillonna la figure basanée de l’Indien. Il avait été sensible à cette marque d’amitié, mais il n’en donna point d’autre signe.

— Combien y a-t-il de temps que vous ne l’avez vu ? me demanda-t-il tout à coup.

— Qui ? le porte-chaîne ? Il y a plus d’un an ; depuis notre séparation après le licenciement de l’armée.

— Je ne parle point du porte-chaîne, dit-il en étendant le doigt devant lui ; mais la maison, la ferme, la terre ?

— Oh ! vous me demandez quand j’ai été à Ravensnest ? jamais, Susquesus ; c’est ma première visite.

— Voilà qui est drôle ! Vous possédez des terres que vous n’avez jamais vues ?

— Chez les Visages-Pâles, il y a des lois en vertu desquelles la propriété passe du père au fils. j’ai hérité de Ravensnest de mon grand-père, Herman Mordaunt.

— Qu’est-ce que cela, hériter ? Comment peut-on avoir des terres qu’on ne garde pas ?

— On les garde, sinon par le fait, en restant sur les lieux, au moins au moyen de titres et de contrats. C’est sur le papier que les Visages Pâles règlent toutes ces choses, Susquesus.

— C’est drôle ! Pourquoi ne pas laisser chacun prendre de la terre où et quand il en a besoin ? La terre ne manque pas. Il y en a plus que d’habitants. Il y en a pour tout le monde.

— C’est pour cela que nos lois sont justes. Quiconque veut avoir une ferme, peut en trouver une pour une très-faible redevance. On peut acheter à l’État, ou à des particuliers, à qui l’on veut.

— C’est assez bien ; mais à quoi bon des papiers ? Quand on veut rester dans une terre, qu’on y reste ; quand on veut s’en aller ailleurs, un autre prend la place. À quoi bon des écrits ?