Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/86

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terre est bien belle par elle-même ; mais elle est plus belle encore aux yeux de ceux qui en ont la plus grande part.

Quoique la concession faite à mon grand-père de ce domaine remontât alors à plus de trente ans, on n’y voyait aucune trace de ces améliorations rapides et énergiques qui ont signalé des entreprises semblables depuis la Révolution. Avant ce grand événement, le pays était lent à se peupler, et chaque colonie semblait se regarder en quelque sorte comme un pays distinct. Ainsi à New-York, nous voyions arriver très-peu d’émigrants de la Nouvelle-Angleterre, bien que de cette ruche féconde soient sortis une foule d’essaims qui ont couvert successivement une si grande partie de la république. Si la civilisation qu’ils portent avec eux n’est pas d’un ordre très-élevé, si, sous le rapport du goût, des manières, de l’élégance, il y a beaucoup à désirer, du moins tout ce qui intéresse le bien-être ou les premiers principes d’instruction, est soigneusement prévu. En un mot, les fondements de l’édifice sont solidement jetés, mais on donne peu de soin aux ornements de détail.

Je sens qu’en parlant ainsi je fais une concession à laquelle mon père n’aurait jamais souscrit ; mais les préjugés s’éteignent de jour en jour, et les Hollandais et les Yankees, en particulier, ne regardent plus comme impossible de vivre rapprochés les uns des autres. Il est possible que mon fils fasse des concessions plus larges encore. Seulement si j’avais un conseil à donner à nos amis les émigrants, ce serait de ne jamais oublier que celui qui émigre doit respecter les habitudes et les opinions de ceux auprès desquels il se transporte, et que la perfection en ce monde ne réside pas seulement dans le petit coin de terre que nous habitons. Mais revenons à Ravensnest.

Je disais donc que, depuis trente ans, les défrichements n’y avaient pas fait de progrès considérables, surtout sous le rapport des ouvrages d’art ; cependant le temps lui-même s’était mis à l’œuvre. Dans cette partie du pays, à l’exception de quelques terres montagneuses, les arbres étaient de cette nature particulière que nous appelons du bois dur, et les racines de ces arbres périssent quatre fois plus vite que les autres, après que le tronc a été coupé. Il en résultait que presque tout vestige en avait dis-