Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/94

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tionistes et les Presbytériens. Il n’y a point de graves dissentiments entre eux, et il est mille fois à déplorer qu’il y en ait aucun. Êtes-vous prêts, messieurs ? Personne ne demandant la parole, je mets la question aux voix.

Le résultat fut : trente-neuf voix pour et trente-neuf voix contre ; c’est-à-dire ce qu’on appelle partage. Je pus voir que le Modérateur était désappointé, et je crus qu’il allait invoquer sa voix prépondérante ; mais je ne connaissais pas mon homme. M. Newcome ne voulait jamais avoir l’air d’exercer une autorité personnelle ; la majorité était sa grande règle, et il en déférait, en toute occasion, à la majorité. L’exercice d’un pouvoir aussi précaire que celui de président, pouvait exciter l’envie ; mais celui qui ne marchait qu’avec la majorité, était sûr d’avoir toujours pour lui les sympathies publiques. M. Newcome n’avait jamais d’opinion que lorsque le nombre était de son côté. Je regrette de devoir dire que des idées très-erronées sur le pouvoir des majorités commencent à prendre racine parmi nous. Il est assez ordinaire d’entendre poser en axiome politique, que la majorité doit gouverner. Cet axiome peut être sans inconvénients, quand il est appliqué avec intelligence, et seulement en tant qu’il s’agit des intérêts sur lesquels la décision est remise à la majorité. Mais à Dieu ne plaise que la majorité gouverne toujours en toutes choses, dans cette république ou ailleurs… Un tel état de choses ne tarderait pas à devenir intolérable, et le gouvernement qui le souffrirait serait la tyrannie la plus odieuse. Au-dessus de tout dominent et doivent toujours dominer certains grands principes incontestables, qui sont justes en soi, et qui sont proclamés dans les diverses constitutions. Qu’ensuite certaines questions secondaires soient soumises à la décision de la majorité ; rien de mieux, tant que cette majorité ne s’arroge pas une puissance qui n’appartient qu’à ces principes. C’est une vérité qu’on ne saurait trop répéter, parce qu’il semble qu’elle soit plus méconnue de jour en jour.

M. Newcome évita de se prononcer comme président. Trois fois il renouvela l’épreuve, et trois fois les voix se partagèrent également. Je m’aperçus que, pour le coup, il était sérieusement inquiet. Cette persistance indiquait une détermination bien