Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prise, et les deux partis, étant d’égale force, ne voulaient céder ni l’un ni l’autre. Il fallait user de tactique ; c’était le fort de M. Newcome, et voici l’expédient qu’il imagina.

— Vous voyez ce qui arrive, chers concitoyens. Deux partis se sont formés ; ils se balancent, et maintenant c’est comme question de parti que l’affaire doit être décidée. — Voisin Willis voudriez-vous bien aller jusque chez moi, et demander à mistress Newcome le dernier volume des Lois de l’État ? Peut-être y trouverons-nous quelque éclaircissement utile.

Le voisin Willis fit ce qui lui était demandé, et s’éloigna. J’appris ensuite que c’était un ardent presbytérien. Malheureusement pour sa secte, il se trouvait placé juste en face du Modérateur, de manière à ne pouvoir manquer d’appeler son attention. Je soupçonnais que l’écuyer Newcome allait mettre de nouveau la question principale aux voix. Mais la ruse eût été par trop grossière, et le Modérateur n’était pas homme à se compromettre ainsi. Il avait du temps devant lui ; car il savait bien que sa femme ne pouvait trouver un volume qu’il avait prêté à un magistrat, dans un établissement situé à vingt milles de distance. Il commença donc par avoir une conférence secrète avec un ou deux de ses amis.

— Pour ne pas perdre de temps, monsieur le Modérateur, dit enfin un de ses confidents, je fais la motion que cette assemblée déclare que l’établissement d’une église presbytérienne est une mesure anti-républicaine, en opposition avec nos glorieuses institutions, et avec les plus chers intérêts de la grande famille humaine. Je soumets cette question à mes concitoyens, sans discussion, et je serai charmé de connaître leur opinion à ce sujet.

La motion fut appuyée ; on alla aux voix, et le résultat fut trente-neuf voix pour et trente-huit voix contre. Il fut donc décidé que la règle presbytérienne était anti-républicaine. C’était un coup de maître : car du moment qu’il était établi que les institutions étaient contraires à l’établissement du presbytérianisme, aucune religion ne pouvant se soutenir dans ce pays du moment qu’elle était en opposition avec l’opinion politique, la question se trouvait tranchée par le fait.