Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/137

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certaine expression des yeux et du sourire qui me rappelait, son frère. Mais la voilà avec Mary Warren dans le salon, attendant votre arrivée. Cette dernière aime tant la musique et, j’ajoute, s’y connaît si bien, qu’elle a été ravie de votre exécution ; il n’est donc pas étonnant qu’elle désire avoir un nouvel échantillon de votre talent. Henriette et Anne, moins fanatiques sous ce rapport, sont allées ensemble cueillir des bouquets dans la serre ; l’occasion est donc favorable pour satisfaire votre sœur. Au bout de quelques instants, je ferai sortir Mary alors, vous et Marthe, vous pourrez causer ensemble. Quant à vous, Roger, vous ouvrirez encore votre boîte ; et je vous réponds qu’elle suffira pour amuser vos autres pupilles, si elles revenaient trop tôt de leur visite au jardin.

Toutes choses étant ainsi convenues, et notre dîner terminé, chacun de nous s’occupa d’exécuter le rôle qui lui avait été désigné. Quand ma grand’mère et moi nous entrâmes dans le cabinet de toilette, Mary Warren y était seule, Marthe s’étant retirée un instant dans sa chambre, où ma grand’mère alla la chercher. Je sus depuis que ma sœur craignant de ne pouvoir à mon aspect retenir ses pleurs, s’était retirée pour reprendre empire sur elle-même ; et je fus prié de commencer un air, sans attendre la jeune personne absente, les sons pouvant être entendus de la pièce voisine.

Je jouai pendant dix minutes avant que ma sœur et ma grand’mère se présentassent. Toutes deux avaient versé des larmes ; mais l’attention que Mary Warren donnait à la musique l’empêcha de s’en apercevoir. Pour moi cependant, ce fut très-visible ; et je fus heureux de voir que ma sœur eût réussi à triompher de son émotion. Quelques instants après, ma grand’mère profita d’une pause pour se lever et emmener Mary Warren, quoique celle-ci n’obéît qu’avec une répugnance manifeste. Le prétexte était une conférence dans la bibliothèque avec le ministre, sur certaines affaires concernant les écoles du dimanche.

— Vous pouvez garder le jeune homme pour un autre air, Marthe ; dit ma grand’mère, et je vous enverrai Jeanne en passant près de la chambre.

Jeanne était la chambrière de ma sœur, et sa chambre était voisine. Toutefois elle ne parut pas. Quant à moi, je continuai à jouer de la flûte, aussi longtemps que je crus être entendu ; et