Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/229

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à l’attaque de Ty, faite par Abercromby en 1758, et il ne s’en faut que de douze ou treize ans pour qu’un siècle soit accompli depuis cet événement. Je crois même que mon bisaïeul Herman Mordaunt l’avait connu. Pour moi je l’ai toujours connu avec des cheveux gris, et nous supposons que lui et le nègre qui demeure avec lui ont vécu cent vingt ans, sinon davantage.

— Quelque chose d’important est arrivé à Susquesus où Sans-Traces, comme on l’appelait alors, il y a environ quatre-vingt-treize hivers ; c’est là ce que j’ai pu recueillir des discours des chefs, mais rien de plus. Dans tous les cas, la visite actuelle a quelque rapport avec cet événement bien plus qu’avec le grand âge du Sapin-Desséché. Les Indiens respectent les années et la sagesse mais ils respectent au-dessus de tout le courage et la justice. Soyez persuadés qu’il y a quoique sens dans ce nom de l’intègre Onondago.

Tout cela nous intéressait vivement et ma grand’mère aussi, ainsi que ses aimables compagnes. Mary Warren, en particulier, manifestait un grand intérêt pour l’histoire de Susquesus, comme je pus le voir par un court dialogue que nous eûmes ensemble en nous promenant devant le portique, tandis que les autres suivaient avec curiosité tous les mouvements des sauvages.

— Mon père et moi, dit-elle, nous avons souvent visité les deux vieillards et toujours avec plaisir. Pour l’Indien surtout nous éprouvions une profonde sympathie ; car rien n’est plus touchant que les sentiments qu’il conserve toujours pour ceux de sa race. On nous dit qu’il est souvent visité par des hommes rouges, aussi souvent du moins qu’ils viennent à sa proximité ; et ils témoignent toujours une grande vénération pour ses années, et un grand respect pour son caractère.

— Je sais que cela est vrai ; car j’ai souvent vu ceux qui venaient auprès de lui. Ce sont ordinairement les Indiens ambulants, marchands de paniers, qui ne sont plus sauvages ni civilisés, et qui n’ont entièrement le caractère d’aucune des deux races. Mais c’est la première fois que j’entends parler d’un aussi solennel témoignage de respect. Qu’en dites-vous, grand’mère ? Pouvez-vous vous rappeler que Susquesus ait jamais reçu un aussi grand hommage de son peuple ?

— C’est la troisième fois dans mes souvenirs, Hughes. Peu après mon mariage, qui eut lieu presque immédiatement après la révolution, il vint ici une troupe d’Indiens pour saluer Susquesus.