Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sont de la dernière importance pour tes propres intérêts, je te dirai d’abord ce qui s’est passé, et ensuite ce que je crains de voir suivre. À la mort du dernier Van Rensselaer, il lui était dû une somme d’environ deux cent mille dollars de rentes arriérées, dont il avait disposé d’une certaine manière dans son testament, nommant des fidéicommissaires pour faire de cet argent un emploi spécial. Ce sont les tentatives faites pour recueillir cet argent qui devinrent l’occasion des premiers troubles. Ceux qui avaient été si longtemps débiteurs eurent de la répugnance à payer. Ces hommes, sachant quelle est en Amérique l’influence du nombre, se coalisèrent avec d’autres qui avaient rêvé le projet d’abolir d’un seul coup toutes les rentes territoriales. De cette coalition sont nés ce qu’on a appelé les troubles des manoirs. On vit paraître des groupes d’hommes déguisés en Indiens, portant par-dessus leurs habits des chemises de calicot, imitant la couleur des Peaux-Rouges, avec des masques de même étoffe et de même nuance : armés pour la plupart de fusils, ils opposèrent une résistance ouverte à l’action des huissiers, et empêchèrent toute collection de rentes, tellement qu’il fut enfin jugé nécessaire de mettre en mouvement un corps considérable de milice, pour protéger les officiers civils dans l’exercice de leurs fonctions.

— Tout cela était arrivé avant notre départ pour l’est. Je supposais que ces antirentistes, comme on les appelait, avaient été mis à la raison.

— Ils l’étaient en apparence. Mais le même gouverneur qui avait fait marcher la milice, soumit ce sujet à la législature parmi les griefs des tenanciers, comme si ces derniers étaient lésés, tandis que les seuls véritablement lésés étaient les propriétaires ou les Rensselaer, car alors c’était sur leurs propriétés uniquement que se passaient les troubles. Cette fausse démarche a fait un mal incalculable.

— Il est étonnant, quand arrivent de pareilles choses, qu’aucun homme puisse méconnaître son devoir. Pourquoi parlait-on ainsi en faveur des tenanciers, quand pour les propriétaires on n’a fait qu’exécuter strictement la loi ?

— Je ne puis y voir d’autre raison, si ce n’est que les tenanciers mécontents étaient environ deux mille. En dépit de toutes ces accusations d’aristocratie, de féodalité et de noblesse, aucun des Rensselaer n’a, suivant la loi, une particule de plus de pouvoir